La Fraternite Soufie, Pure Et Sincere

Prof. Dr. Hasan Kamil YILMAZ

Dans la compréhension de la vie islamique, la base est la fraternité. Le Coran dit que les épouses du Prophète sont les mères des croyants[1], que les croyants sont tous frères[2] et que le Messager d’Allah affirme « je suis à la place de votre père »[3].

Un grand tableau familial apparaît donc puisque notre Prophète est notre père, ses épouses sont nos mères et les croyants sont les enfants de ce père et de ces mères.

Dans la pensée soufie (Tasawwuf), le maître (guide) de la voie spirituelle est comme le père, son épouse comme la mère et les personnes liées au maître sont comme des frères. Ici aussi se forme une famille avec le guide, son épouse et ses enfants spirituels. Dans le contexte de la famille, la fraternité et la communication sont basées sur l’amour et la compassion.

La fraternité islamique s’est formée grâce à la foi et Allah, dans l’Histoire, a supprimé les sentiments d’animosité et a formé un cadre de paix. Il a mis fin à la lutte entre les clans de Aws et de Hazrec à Médine et c’est cette fraternité qui les a liés[4]

Après ce verset, qui indique que Muhammad était le Messager d’Allah et cite les caractéristiques des croyants :« ceux qui sont avec lui sont durs envers les mécréants, miséricordieux entre eux»[5],  il est aussi indiqué que les musulmans et leur fraternité doivent se baser sur le lien ultime; dans un autre verset coranique, il est également stipulé que la fraternité doit être fixée loin des  problèmes attachés aux blessures de cœur et de rancœur[6] , comme une dynamique importante.

La fraternité ainsi que l’amitié envers Allah ouvrent les portes du paradis; ce qui ferme les portes de l’enfer, c’est le renoncement et le sacrifice. Car les amitiés de ce monde y restent et ce qui est amené dans l’au-delà, c’est l’amitié au nom d’Allah.

Allah le Tout-Puissant décrit ce fait dans le verset coranique suivant:

« Les amis, ce jour-là, seront ennemis les uns des autres; excepté les pieux. »[7]

De telles amitiés et fraternité constituent l’un des sept groupes qui seront sous l’ombre de l’arche lorsqu’il n’y aura plus aucune ombre, cette  nouvelle étant apportée par le Prophète. Eux, qui s’aiment pour Allah, vivent pour cet amour et meurent pour cet amour, sont des frères.[8]

La fraternité doit se vivre au nom d’Allah. Junayd al-Baghdâdî a dit que deux personnes qui se quittent en raison des intérêts de ce monde ne peuvent pas être des frères car la fraternité au nom d’Allah implique de se trouver l’un en face de l’autre, de se regarder dans les yeux et d’être en harmonie de cœur. Quand la distance s’établit et que la froideur s’installe, la fraternité n’est plus. Lorsqu’un croyant, au nom d’Allah, voit son frère accomplir une mauvaise action, il l’avertit afin qu’il y remédie; s’il ne cherche pas de solution, il lui aura tourné le dos et aura manqué au fait de ne l’avoir pas regardé en face.  La fraternité au nom d’Allah est plus pure et plus claire que l’eau de source.

De plus, Allah exige ce qu’il y a de plus pur et de plus clair en ce qui Le concerne. Quand une chose perd de sa pureté et de sa clarté, elle perd également sa spécificité.

C’est pourquoi une amitié pure, l’individu qui reste éloigné des intérêts de ce monde et du matériel et celui qui reste proche de la chasteté seront éternels.

Allah dit à propos de la continuité et de la pureté de la fraternité:

«Ne dérange pas ton frère en le blessant, ne plaisante pas beaucoup et ne lui donne aucune promesse que tu ne pourras tenir[9]

En ce qui concerne la fraternité soufie, Abû Saïd Harrâz رَحْمَتَ الله عَلَيْهِ a dit:« Je suis resté cinquante ans parmi les croyants, avec eux j’ai vieilli et il n’y a jamais eu de mésentente entre nous. »

Quelqu’un qui l’écoutait demanda:« Comment as-tu réussi ? »

Harrâz رَحْمَتَ الله عَلَيْهِ répondit:« Tant que j’étais parmi eux, j’ai tenté d’être maître de mes désirs, de ne pas leur causer de souffrance, de leur faire du bien; même si je ne réussissais pas à accomplir cela, j’ai tenté de ne pas leur faire du tort. Même si de temps en temps il y avait séparation ou des paroles contraires, j’ai tenté de me remémorer mes amis avec bonté et bienfaisance. »

Puisque l’un des Noms d’Allah est « Sattâr », ce qui correspond le mieux au croyant est de dissimuler les mauvais penchants de ses amis et de vanter leurs bons côtés. Même si sur le plan religieux, l’ami qui critique les mauvaises actions de son ami ne doit pas se mettre en colère contre lui et le dénigrer. Ainsi, la morale qu’Allah a donnée au Prophète demeure dans une telle nécessité.

Allah a même donné cet ordre:

« Mais s’ils te désobéissent, dis-leur: ‹Moi, je désavoue ce que vous faites›. »[10]

Il n’a pas dit: « Je suis loin de vous ».

Ici, il est indiqué  qu’en séparant les personnes à cause de leur comportement, il ne peut y avoir de quelconque supériorité. Car si le changement dans l’état et les actions d’un homme sont une déviance fautive, celle-ci peut être corrigée en y renonçant, ceci étant souhaitable. En raison de cet acte, il n’est pas juste de le dénigrer à cause d’un seul acte.

Par conséquent, il faut le regarder avec compassion et devenir un intermédiaire pour qu’il puisse se libérer de sa faute en parvenant au silence.

Quand les membres d’un clan avaient commencé à injurier un homme en raison de son action, le Prophète leur avait dit: «Arrêtez-donc et soyez patients. Ne soyez pas un appui du diable contre votre frère»[11]

Avec cet ordre, il avait interdit tout acte allant dans ce sens.

Ibrahim ibn Yazid al Nakhaî   رَحْمَتَ الله عَلَيْهِ a dit:« Ne coupe pas tes liens avec ton frère qui commet de mauvaises actes car si aujourd’hui il a commis une mauvaise action, demain il peut y renoncer.»

Avec ceci, il a voulu dire qu’il ne fallait pas couper les ponts avec une personne qui commettait des fautes.

Ainsi, Shaykh Sa’di رَحْمَتَ الله عَلَيْهِ  exprime également cette idée dans un de ses poèmes:

Le devoir de la langue est de remercier Allah, elle est là pour remercier.

O celui qui connaît Allah, n’occupe pas ta langue en pratiquant le commérage.

L’oreille est l’organe qui écoute le Coran et les conseils.

N’écoute pas les mensonges et les phrases sans valeur.

L’œil est beau pour voir l’art d’Allah.

Ferme ton œil au défaut de ton ami, ne le vois plus.[12]

L’une des conditions de la fraternité et de l’amitié (vraies), c’est de demeurer avec son ami, de se préoccuper de ses peines, d’être près de lui quand il a des soucis.

Selon un récit, Abdullah ibn Omar, était en train de regarder de droite à gauche comme s’il cherchait quelqu’un.

Le Prophète, en le voyant agir ainsi, lui demanda ce qu’il cherchait.

Abdullah lui répondit: « Ô Messager d’Allah ! J’avais pris, au nom d’Allah, quelqu’un comme ami. Je voudrais le voir mais je n’y parviens pas. »

Sur ce, le Messager d’Allah s’adressa à lui en des termes qui peuvent être exemplaires pour les croyants d’aujourd’hui:

« Ô Abdullah ! Lorsque tu prends un homme pour ami, demande-lui son nom, celui de son père et le lieu où il demeure. De cette façon, lorsque ton frère tombe malade, va le visiter chez lui, et en cas de soucis tu te précipiteras pour l’aider. »[13]

L’un des bons côtés de cette manifestation d’amour établie au nom d’Allah est que la personne n’attend pas de celui qui est en face de lui des biens ou des choses appartenant à ce monde. Un amour qui s’entache d’une telle impureté peut gagner en grandeur grâce à la purification de ces sentiments.

En effet, la fraternité pure et sincère ne doit aucunement se fonder sur un quelconque intérêt mondain. De plus, choisir son frère parmi tous les sujets de ce monde et de la religion est une des conditions établies pour aimer au nom d’Allah.

Dans le Coran, la conception du terme « isâr »signifie qu’en raison de son affection particulière la personne puisse, sans avoir le cœur pincé, choisir son frère à sa place.[14]

Choisir son frère au lieu de soi, ne pas sentir son cœur pincé est l’indicateur de l’amour et de l’affection religieuse. Chez les personnes ayant un tel sentiment, il ne peut y avoir de jalousie et de rancœur. La fierté de l’humanité, personnifiée par notre Prophète, a exposé aux hommes ces paroles qui sont les bases de la fraternité et de l’amitié dépassant les valeurs universelles d’aujourd’hui:

« Chaque individu partage la croyance de son ami intime. Que chacun de vous  regarde avant de choisir son ami intime. »[15]

« Il ne peut y avoir de bonté dans l’amitié si chaque individu ne demande pas pour son ami ce qu’il désire pour lui-même »[16]

Les bases de la fraternité pure et sincère sont exprimées par le soufi Abû Muawiya al-Aswad رَحْمَتَ الله عَلَيْهِ dans le même sens que celui du Prophète: « Mes frères me sont tous supérieurs. »

Quand on lui en demanda pourquoi, il répondit en dessinant la réalité de la fraternité:

« Ils me vouent comme étant supérieur à eux. Toute personne qui me voit supérieur à lui-même est meilleure. » [17]

Car dans la fraternité pure et sincère, ce qui est important, c’est de considérer son frère comme supérieur à soi-même.


[1] Coran, Al-Ahzab, 33/6.
[2] Coran, Al-Hujurât, 49/10.
[3] Ibn Majah, Tahara, 16; Abû Daoud, Tahara, 4.
[4] Coran, Al-Imran, 3/103.
[5] Coran, Al-Fath, 48/29.
[6] Coran, Al-Anfal, 8/1.
[7] Coran, Az-Zuhruf, 43/67.
[8] Al Boukhari, Adhan, 36, Hudûd, 19; Muslim, Zakât, 91; At Tirmidhi, Zuhd, 53.
[9] At Tirmidhi, Birr, 58.
[10] Coran, Ash-Shu’arâ, 26/216.
[11] Al Boukhari, Hudûd, 5; Ibn Hanbal, I, 438
[12] Rûhu’l-beyân, Beyrouth 2001, I, 98.
[13] At Tirmidhi, Zuhd, 54; Bayhaqi, Shuabu’l îman, VI, 492.
[14] Coran, Al-Hashr, 59/9.
[15] At Tirmidhi, Zuhd, 45.
[16] Qudâî, Musnadu’l shihâb, hadith n° 907;Kenzu’l ummâl, c. IX, s.65, hadith n° 24821.
[17] Sohrawardi, Awârifu’l maârif, trad. H. Kamil Yılmaz, Irfan Gündüz, Istanbul 1990, s.543.


La Voie Du Cœur Saint…

Osman Nuri TOPBAŞ

Notre Seigneur le Tout-Puissant nous a créés, par Sa grâce, dans la forme la plus parfaite « Ahsani Taqwim », sans nous en demander de contrepartie, avec la  prédisposition innée à recevoir l’Islam. Mais Il I nous enveloppa dans « une âme » (nafs) avec une caractéristique pouvant aussi bien nous faire incliner vers la « taqwa ou le fujûr  », vers le bien ou le mal, vers le châtiment ou la récompense.

Notre épreuve la plus difficile dans ce bas-monde consiste à briser l’ardeur de sa nafs et de sa maîtrise. Pour cela, il est nécessaire d’entreprendre une purification de l’âme et un cheminement dans la voie spirituelle.

L’Imâm al-Ghazâlî رَحْمَتَ الله عَلَيْهِ indique :

«L’homme est comparable à la cire, on peut lui donner la forme qu’on veut (bonne ou mauvaise) en la travaillant.»

Par exemple, selon son éducation, un enfant de trois ans peut aussi bien donner du lait à boire ou bien jeter des pierres à un chat. La différence entre les deux est le fruit de l’éducation qu’il aura reçue.

Ainsi, l’éducation spirituelle est nécessaire pour s’affranchir des attachements aux désirs égotiques et développer sa prédisposition spirituelle.

En outre, l’Imam al-Ghazali رَحْمَتَ الله عَلَيْهِ identifie les éléments qui façonnent les dispositions et les comportements de l’homme en trois pouvoirs :

1) Quwwah al-‘Aqliyya (le pouvoir intellectuel),

2) Quwwah al-Ghadabiyya (le pouvoir de la colère),

3) Quwwah al-Shahwiyya (le pouvoir des désirs).

Ces pouvoirs naturels se répercutent à la vie de trois manières :

‒Ifrad : L’excès de façon démesurée.

‒Tafrid : Le manquement, contraire de l’excès. Montrer de la négligence et du relâchement et rester en dessous de la moyenne.

‒Itidâl : le juste milieu de l’Ifrad et du Tafrid,  l’équilibre convenable dans les dispositions et les comportements.

Le résultat de l’excès dans la Quwwah al-‘Aqliyya est le débordement jusqu’à la folie. Son manquement (ou son absence)  est l’idiotie. L’acceptable demeure dans le juste milieu, par la recherche de la sagesse et de la clairvoyance en soumettant notre intellect à la révélation.

De même, l’excès de la Quwwah al-Ghadabiyya mène à la rage, à l’extrême colère. Et Son manquement conduit à la lâcheté. Le convenable réside dans le courage (al-shaja’at) et l’utilisation de la force et la vaillance selon l’utilité et le besoin.

Le récit d’une bataille, pendant laquelle Ali t renonça à tuer son ennemi alors qu’il l’avait mis à terre en est un illustre exemple. En effet, quand ce dernier lui cracha au visage, Ali t changea d’avis.

Ainsi, ce Compagnon béni combattait seulement au nom de Dieu et non pour satisfaire la colère et la fierté de son âme. Ali t montra une vertu exemplaire en refoulant sa colère pour ne pas compromettre cet acte accompli pour le seul agrément d’AllahI. Autrement dit il montra une force de conviction exemplaire à soumettre et canaliser sa colère (Quwwah al-Ghadabiyya) à la révélation.

L’excès de la Quwwah al-Shahwiyya mène à la débauche et l’immoralité et le manquement à la stagnation (jumûd). L’acceptable et l’équilibre demeurent  dans la décence, la chasteté et la pudeur.

En idéalisant tous les comportements humains sur des bases intellectuelles, émotionnelles et  sexuelles, l’Islam indiqua leurs formes légitimes et acceptables. Par exemple, le « meurtrier » et le « moudjahid  » accomplissent en apparence le même acte. Cependant, le meurtrier commet un meurtre pour son compte personnel alors que le moudjahid, lui, accomplit le djihad  au nom d’Allah.

Autre similarité: les « intérêts » et le « commerce » peuvent être confondus. Mais alors que le prêt à intérêt est prohibé car c’est une pratique usurière, le commerce de biens est tout à fait licite et légal.

Autre exemple:« L’adultère » et « le rapport sexuel » (dans le couple marié). L’adultère est un acte interdit et rejeté par l’Islam car il ruine les générations alors que les relations dans le cadre du mariage sont parfaitement licites et sources de bénédictions pour la descendance et la société.

Le Coran nous indique à ce sujet : « Ceux qui disent : «Seigneur, fais que nos épouses et nos enfants soient pour nous une source de bonheur ! Daigne faire de nous des modèles de piété pour ceux qui craignent le Seigneur ! » (al-Furqān, 74)

Ces actes qui semblent donc similaires peuvent apporter soit la béatitude dans l’au-delà, ou une catastrophe en fonction de l’éducation spirituelle reçue.

L’objectif de l’éducation soufie est d’orienter conformément aux indications coraniques et prophétiques vers le juste milieu  les tendances et  penchants qu’ils soient excessifs ou déficients. Les pulsions innées de l’homme le mèneront à la perdition et l’oppression si elles sont laissées à leur état brut et ne sont pas dressées.

À cet égard, l’éducation et l’enseignement sont vitaux pour l’homme.

Allah envoya les Prophètes عَلَيْهِمُ السلام comme étendard pour l’humanité à des époques où l’ignorance et l’injustice atteignaient les sommets. En particulier notre Prophète fut envoyé à une époque de non-droit où toute forme d’humanité avait disparu.

L’éducation des âmes par les Prophètes عَلَيْهِمُ السلام à travers la lumière de la révélation divine sauva ces gens des ténèbres de l’ignorance pour les élever tels des étoiles dans le ciel. 

Ceux-là ont bâti une civilisation de vertus.

Les Trois Missions du Prophète

Le Coran indique :

« (Ô les hommes!) C’est ainsi que Nous vous avons envoyé un Prophète choisi parmi vous, qui vous récite Nos versets, vous purifie, vous apprend le Livre et la Sagesse et vous enseigne ce que vous ignoriez. » (al-Baqara, 151)

Dans ce verset, Allah le Tout-Puissant attire notre attention sur les trois devoirs de notre Prophète :

1) يَتْلُوا عَلَيْكُمْ اٰيَاتِنَا : Réciter les versets révélés et transmettre ainsi les fondements de la religion.

2) وَيُزَكّ۪يكُمْ : Purifier l’âme de tout sentiment impur.

3) وَيُعَلِّمُكُمُ الْكِتَابَ وَالْحِكْمَةَ : Par cette éducation spirituelle, apprendre en profondeur le Saint Coran, la sagesse et les secrets de l’univers, des évènements et des manifestations.

La mission prophétique du Messager d’Allah commença par la transmission du message du Tawhid (l’unicité de Dieu) et des révélations. Toutefois, ce ne fut que le premier palier de l’objectif final.

Pour que la transmission du message du Tawhid atteigne son but, il est indispensable de purifier les égos des souillures que sont la mécréance, l’idolâtrie, l’hypocrisie, l’ostentation, l’orgueil et la jalousie pour atteindre la sincérité, la piété, l’humilité et le recueillement.

Abou al-Hassan al-Kharaqanî قدس سرّه dit sur le sujet :

« Quand une braise atteint ta robe, tu te dépêches de l’éteindre ! Comment peux-tu alors laisser le feu de l’orgueil, la jalousie et l’ostentation envelopper ton cœur ?! »

Ainsi, la purification de l’âme (tazkiya) consiste à filtrer tous les sentiments selon les fondements de la foi et les rendre raffinés et purs.

Ibni Abbas t explique que l’expression « tazkiya »employée dans le verset du Coran ci-dessus signifie dire « Lâ ilâha illâllah! ». En effet, la première étape dans la purification consiste à nettoyer le cœur de la mécréance (kufr) et l’idolâtrie (shirk).

D’ailleurs la parole du Tawhid commence par la négation (nafy). Ainsi, en disant « Lâ ilâha », on nettoie du cœur les passions de l’égo devenues des idoles et les mauvais comportements.

Ensuite par l’affirmation (isbat) « illâllah »,  le cœur, lieux des manifestations divines, se remplit de la lumière du tawhid.

Le poète exprime cette réalité par ces vers :

Enlèves de ton cœur tout ce qui est étranger à la divinité,

Car le Roi n’est invité à entreR au palais que quand le palais est nettoyé…

Explications : Purifie ton cœur (palais) de tous les désirs autres que celui de l’union avec le Divin. Seulement à ce moment, il sera prêt à accueillir les manifestations divines.

Après l’étape de purification du cœur vient celle de « l’apprentissage du Coran », des ordres et les interdictions divines auxquels il faut se conformer.

Atteindre les profondeurs du Coran par la méditation n’est possible qu’avec cette pureté du cœur. Car le Saint Coran ne peut être lu et compris qu’avec un cœur pur et raffiné.

Othman dit :

« Si vos cœurs étaient parfaitement purifiés, vous ne vous seriez jamais rassasiés par vos lectures du Coran tellement vous y prendriez goût. » (Ali al-Müttakî, II, 287/4022)

Il est donc indispensable de purifier son intérieur des influences et sentiments mauvais et d’adopter une foi authentique, c’est-à-dire s’orner d’une croyance juste et d’une bonne morale.  Ainsi, après toutes ces étapes, le serviteur embrassera la « sagesse » et son cœur deviendra le centre des manifestations divines par lesquelles tous les secrets  sur les évènements et les choses lui seront dévoilés. 

Le Savoir Inutile

On remarque dans les versets que les notions de « purification » et « d’apprentissage du Livre et de la Sagesse »  sont mentionnées conjointement. Cela nous apprend implicitement que l’apprentissage de la science nécessite au préalable une purification du cœur  qui, sans elle, ne fournira aucun bénéfice pour l’être dans la voie du salut éternel.

C’est pour cela que notre Prophète invoqua ainsi notre Seigneur :

« Seigneur Dieu! Je me mets sous Ta protection contre une science qui ne fait aucun bien, contre un cœur qui ne se soumet pas à Toi en toute humilité, contre une âme qui n’est jamais satisfaite et contre une invocation qui n’est pas exaucée(Muslim Dhikr 73)

Peu importe son niveau d’étude, l’homme qui n’acquiert pas  une amplitude spirituelle est voué à rester à l’état brut et immature. Par exemple, si cette personne étudie et devient médecin il risque de devenir marchand d’organes pour assouvir (les désirs de) son égo au lieu de guérir les malades. Un avocat ou un juge, au lieu d’exprimer la justice et la droiture, risquera de devenir le leader d’un réseau criminel.

S’il devient un chef d’État, il pourra incarner l’image de la persécution.

S’il étudie les sciences religieuses et devient un religieux, il présentera une compréhension de la religion loin de la piété et sans âme.

Parce qu’une âme esclave de ses passions, peut mettre tout son savoir au service des intérêts mondains et avec sa science accomplir aisément une oppression beaucoup plus horrible qu’un ignorant ne le ferait avec son ignorance. Rûmî قدس سرّه dit à ce sujet :

« Apprendre la science à une personne immorale c’est donner une épée à un bandit. »

C’est à dire que la science transmise à des âmes brutes et dépourvues d’éducation spirituelle se transforme en un voile d’insouciance qui, au lieu de rapprocher le serviteur de son Seigneur, l’en éloigne.

Par conséquent, la connaissance et le savoir ne se limitent pas seulement au stockage d’informations dans le cerveau. Pour tirer profit de la science dans les deux mondes, il est nécessaire que son possesseur purifie son âme dans le cadre d’une éducation spirituelle, fasse gravir des étapes à son cœur et gagne une maturité de sa conscience et sa morale.

Rûmî قدس سرّه dit :

« Nombreux sont les érudits à qui la connaissance n’a pas été destinée. Bien qu’ils aient englouti et mémorisé la science ils ne sont pas devenus les biens aimés amis d’Allah! » 

Il ne faut pas oublier que toutes les sciences consistent à déterminer les lois de l’univers mises en œuvre par le Créateur. Alors que la connaissance authentique consiste à franchir une étape supplémentaire pour aller à la connaissance du Majestueux et du Tout-Puissant qui émet ces lois, et enfin appréhender les secrets divins et la sagesse.

Rûmî قدس سرّه  appelait la période de sa vie où il avait atteint le sommet des sciences apparentes mais n’avait pas encore goûté au plaisir spirituel « Période crue ».

Puis il surnomma celle pendant laquelle il commença à dévoiler dans son cœur les secrets et les sagesses divines et feuilleter les pages du livre de l’univers « Période cuite » et enfin quand le feu des secrets divins l’embrasa et qu’il eut atteint la connaissance et l’amour véridique «Période brûlée ».

D’autre part, celui qui ne se conforme pas aux dimensions indiquées par le Coran et la Sounna durant sa quête de savoir ne tirera aucun bénéfice de ses actes et son apprentissage.

Comme le dit notre Seigneur Ali :

« L’ombre de ce qui est courbé est aussi courbée. »

Toutes les dispositions et comportements de l’homme sont à l’image de son intérieur. Tout comme il est impossible qu’une règle déformée donne une ligne droite, il est vain d’attendre d’un homme au cœur rugueux qu’il ait un caractère vertueux. La voie des gens aux pensées sombres, ne seront jamais illuminées. Ce qui déborde d’un récipient est son contenu même.  Ainsi, des dispositions et caractères purs et saints n’émaneront jamais d’un cœur trouble.

Au contraire, quand l’intérieur du serviteur est embelli de pureté et de sincérité, la volonté divine à son sujet se manifeste par la grâce et les bénédictions.  L’histoire qui suit exprime parfaitement cette réalité :

Le Jardin de Grenades…

Un jour l’Empereur Sassanide Khosro (Anushiravan) connu dans l’histoire pour sa rectitude sortit pour chasser puis se séparant de ses compagnons trouva en chemin un jardin.

Il demanda au jeune qui s’y trouvait: « –Peux-tu me donner une grenade ? »

Le jeune en cueillit une grande et la lui donna.

Anushiravan assouvit sa soif et apprécia particulièrement le goût exquis de la grenade.

Il se dit : « –Un jardin avec de tels fruits doit m’appartenir. Quoi qu’il en soit je dois le prendre.»

En pensant à cela, il demanda une autre grenade. Mais cette fois-ci, la grenade était sèche et amère. Quand il en demanda la raison, le jeune inspiré lui répondit :

« –Seigneur, je crois que votre cœur  penchait vers l’injustice. Avec force et autorité, vous vouliez me déposséder de mon jardin. »

Alors, Anushiravan renonça à son désir et se repentit d’avoir eu cette mauvaise pensée. Et quand il demande une autre grenade, il la trouva aussi juteuse et sucré que la première.

Ébahi, l’empereur demanda cette fois-ci la raison de ce goût exquis. Le jeune répondit :

« –Je pense que vous vous êtes repenti de votre mauvaise pensée. »

On raconte que suite à cet incident Anushiravan vécut un éveil spirituel et se détacha de toutes les mauvaises pensées le menant à l’injustice et à l’oppression.  Ainsi, il demeura un empereur droit et juste si bien qu’on le surnomma  « le juste ».

À l’approche de sa mort, Anushiravan fit ses adieux  à son peuple et paya tout son dû. Quand il mourut, son cercueil parcourut tout le pays et un crieur public clamait :

« Que celui qui a un dû viennent le réclamer !... »

On ne trouva pas une seule personne à qui il était dû même un dirham.

Par conséquent, ceux aux cœurs fins et purs laisseront toujours derrière eux  des souvenirs mémorables et magnifiques. Parce que toutes dispositions et comportements de l’homme reflètent en quelques sortes son monde intérieur. D’ailleurs dans un hadith, le Messager de Dieu r indique :

« Allah ne regarde pas vos corps ni vos apparences, mais Il regarde vos cœurs et vos œuvres(Muslim, Birr, 33; Ibni Majah, Zuhd, 9)

C’est à dire la considération et le traitement du Tout-Puissant vis-à-vis de son serviteur changent selon la nature des désirs et intentions de ce dernier. Le dénouement des actions de celui dont le cœur est pur et les intentions sont bonnes vont vers le bien.  La volonté divine se manifeste selon les intentions et les pensées.


Les Conditions Attachées À La Prière : L’humilité

Les conditions externes de la prière rituelle sont réglementées en fonction de la jurisprudence islamique (fiqh). Une prière qui n’observe pas les prescriptions fixées par la loi islamique ne peut être acceptée. De plus, une prière accomplie sans humilité ne peut pas être non plus honorée. De ce fait, une prière correctement accomplie doit allier les prescriptions extérieures et intérieures qui embellissent le cœur ; la parure du cœur peut être effective en réalisant le secret de la purification. Le Saint Coran dit à ce sujet :

« Réussit, certes, celui qui se purifie. » (Coran, Al- A’la : 87 : 14)

Cette préparation spirituelle est d’une importance majeure pour accomplir la prière. Dans ce cas de figure, Allah ne fait pas référence au caractère obligatoire (fard), nécessaire (wajib), ou bien à un nombre précis d’unités de prière, mais précise de façon répétitive l’importance de l’humilité, de la sincérité et de la paix qui émane de l’intention initiale (niya). L’importance relative à ces conditions englobe notre existence entière. Ainsi, pour l’orant, le regard spirituel porté sur la prière devient le plus important composant qu’il est tenu d’observer. Le Saint Coran dit à ce propos:

« Bienheureux sont certes les croyants, ceux qui sont humbles dans leur Salât. » (Coran, Al-Muminun, 23 : 1-2)

Le Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) a dit :

« Quiconque accomplit correctement ses ablutions, prie à l’heure prescrite, se courbe et se prosterne avec humilité, sa prière s’élèvera comme une lumière éclatante et s’adressera à l’orant en ces termes : « Puisse Allah te préserver de la même manière que tu as observé mes détails ! » Et quiconque n’accomplit pas correctement ses ablutions, ne prie pas à l’heure prescrite, ne se courbe pas et ne se prosterne pas avec humilité, sa prière s’élèvera comme une forme obscure et s’adressera à l’orant en ces termes : « Puisse Allah te négliger comme tu m’as négligé ! »

En conséquence, selon l’énoncé du décret d’Allah, sa prière deviendra un chiffon plié et jeté à la face de l’orant. » (Tabaranî)

On demanda un jour à Shah Bahauddin Naqshband :

« Comment peut-on parvenir à l’humilité dans la prière ? »

Il existe quatre conditions préalables à cela, répondit-il :

1.   Le gain licite.

2.   Rester vigilant en exécutant ses ablutions.

3.   Ressentir la présence d’Allah lors de la prononciation du « Takbir » (Allah est Grand).

4.   Ressentir la présence d’Allah en tout temps ; demeurer paisible et serein ; obéir à Allah après l’accomplissement de la prière. »

L’humilité est une caractéristique si importante dans la prière que le serviteur doit sans cesse la rechercher. Le Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) disait à ce propos :

« Quand l’orant achève sa prière, on lui donne un dixième de sa récompense, ou un neuvième, ou un huitième, ou un septième, ou un sixième, ou un cinquième, ou un quart, ou un tiers, ou une moitié » (Abû Dawud, Salat, 124)

« Beaucoup de gens n’obtiennent même pas un sixième, ou bien même un dixième des récompenses provenant de leurs prières. Ils obtiennent seulement la part de leurs prières accomplies avec humilité. » (Abû Dawud, Nasaî)

Cela signifie en particulier que le serviteur d’Allah recevra sa récompense qu’en fonction de la nature de l’humilité qui aura été la sienne durant l’accomplissement de sa prière.

Les véritables orants sont ceux qui se lèvent pour prier et qui effectuent leurs prières dans l’intention de recevoir l’agrément de leur Créateur. Ils s’engagent eux-mêmes dans une vie de prière, ôtant de leur cœur toute occupation matérielle, l’effectuant de manière à en comprendre les réalités spirituelles. Ils fixent du regard le point précis où ils devront se prosterner, percevant l’attention d’Allah à leur égard. Ils s’extasient et goûtent à un intense plaisir spirituel, car c’est la condition des serviteurs sincères qui possèdent un cœur sain. En d’autres termes, l’humilité demeure le fruit de la sincérité.

Au demeurant, la sincérité fournit aussi aux serviteurs la révérence pieuse et la protection divine nécessaires pour atteindre les plus hauts degrés de la foi. Le Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) disait à ce propos :

« La Bonne Nouvelle appartient à ceux qui sont guidés dans la voie droite. C’est grâce à eux que les conflits importants disparaîtront. » (Fadail- i Amal)

Afin que la sincérité et l’humilité s’enracinent dans le cœur en lui apportant les bénéfices spirituels appropriés, les quatre points suivants doivent être impérativement observés lors de l’accomplissement de la prière :

1. La présence du cœur (hudur al-qalb) : les sentiments doivent être dissimulés derrière l’esprit de la prière, de la louange et de la récitation des versets coraniques. L’orant doit également se détacher de ses préoccupations mondaines, car l’âme qui ne s’en détache pas ne pourra ni se concentrer dans la prière, ni être consciente de la Présence Divine. De plus, si le serviteur saisit réellement la signification de ses paroles prononcées durant la prière, il sera alors en mesure d’atteindre la paix du cœur et de l’esprit. Les bien-aimés d’Allah s’efforcent constamment de compenser non seulement leurs prières incorrectement effectuées mais également celles qu’ils jugent non effectuées avec sérénité de cœur. Toutefois, ce fait ne signifie pas que tout le monde doit impérativement agir de la même façon, mais cela démontre l’importance que la prière nécessite une attention particulière. La paix du cœur est causée par l’effort spirituel, suscitant le désir de se réveiller spirituellement. Cet effort est réalisé en comprenant que la connaissance profonde d’Allah passe nécessairement par la prière.

2. La compréhension du sens des mots (tafahum li-mânâ al-kalam) : comprendre ce que l’on récite, c’est être conscient de ce que l’on récite. La compréhension est un facteur très important car elle se trouve derrière tout cœur paisible. Elle est le pont intermédiaire pour transférer cette condition de paix à toutes les circonstances de la vie.

3. La révérence (Ta’zim) : c’est « demeurer en position d’observation permanente » : c’est-à-dire être en présence du Créateur et maintenir cet état de présence. La pratique de la prière doit se faire en toute sérénité, en restant conscient de la présence d’Allah. Au demeurant, le serviteur se trouvant en présence d’Allah doit prendre garde à tous ses gestes et à sa manière de prier en général. L’humilité et l’accueil de la prière vont augmenter la position de l’orant jusqu’à devenir son intercesseur. En effet, maintenir ces conditions accroît le mérite de la prière ; et une prière maintenant ces conditions intercédera elle-même en faveur du serviteur le Jour du Jugement.

Chacun a tout intérêt de tenir compte de l’avertissement suivant :

« Si tu veux que ta prière s’apparente à un voyage (ou ascension), réfléchis et médite au sujet des bienfaits qu’Allah t’a octroyé et sur l’insuffisance de ta pratique ! Crois-tu que le degré de ta pratique équivaut à ce qu’Allah te donne ? Ton adoration est-elle suffisante pour remercier Allah ? Pense donc au Prophète (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) qui avait coutume de dire : « Ô mon Seigneur ! Je n’ai pu Te servir comme il se doit ; de grâce, pardonne-moi ! »

4. La prestance (hayba) : C’est une crainte née de l’humilité du serviteur. Cette crainte lui apporte la conscience de la Grandeur et de la Puissance d’Allah et, de ce fait, la ferveur et la piété sont en mesure de se manifester. La piété résulte de la crainte d’Allah et protège le cœur de l’ignorance. C’est effectivement issu de cette dimension que se trouve le chemin le plus efficace qui accroît la position du serviteur vis-à-vis de son Seigneur. Le Saint Coran dit à ce propos :

« (...) Le plus noble d’entre vous, auprès d’Allah, est le plus pieux (...) » (Coran, Al-Hujurat, 49 : 13)

Abû Dharr relate :

Un jour, le Prophète (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) était sorti. C’était l’automne, la saison où les feuilles tombaient. Le Prophète (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) s’exclama :

« Ô Abû Dharr ! Certes, le musulman (ou la musulmane) qui prie de manière pieuse et sincère verra ses péchés effacés, à l’instar de ses feuilles qui tombent. » (Ahmad, Targib)

5. L’espérance (raja) : Pendant la prière, l’orant est tenu de croire en la Miséricorde d’Allah, puis, une fois celle-ci achevée, il doit adresser à Allah des invocations. Si son cœur ne ressent aucune crainte, il éprouvera alors une grande tristesse et cette dernière lui occasionnera un déséquilibre spirituel. C’est l’espérance présente dans son cœur qui sera à même d’éradiquer ce danger.

6. La pudeur (haya) : La pudeur est l’ornement qui complète les autres mérites de la prière. Le serviteur pudique s’abstiendra de perpétrer des gestes familiers lorsqu’il est en présence de son Créateur. En agissant de la sorte, il deviendra de plus en plus précautionneux, attentif à l’observance des rites et conscient de l’importance que revêt la prière. De surcroît, il ne se fiera pas à ses œuvres comme l’avait déjà souligné à ce propos le Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) :

« Nul ne doit se fier à ses œuvres d’adoration (dont la prière) pour espérer recevoir le pardon de ses péchés. » (Fadail-i Amal, 251)

En d’autres termes, accomplir la prière seule ne garantit pas le pardon des péchés ; chacun doit prendre garde à ne pas tomber dans une ignorance imprudente. La pudeur est le meilleur moyen de conscientiser et de protéger les comportements à l’égard du Créateur ; le pardon étant une grâce divine, Allah pardonne car Il est Miséricordieux et Compatissant. Nul n’est capable de prier et de remercier le Seigneur de manière satisfaisante ; toutefois, par un effet de Sa grâce et de Sa bonté, Allah agréera les prières accomplies de manière humble et attentionnée.

En résumé, quiconque n’allie pas le rythme du corps avec la crainte du cœur sera incapable de saisir ce qui constitue la signification essentielle de la prière. Chacun doit donc s’efforcer au mieux de la saisir, tant sur le plan physique que spirituel. Toutes ces choses qui portent préjudice au corps et à l’esprit doivent être absolument écartées pour que l’esprit soit libéré de ce qui pourrait le distraire. A titre d’exemple, les propos du Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) tiennent compte des spécificités de l’être humain dans ce domaine précis :

« Lorsque l’heure de la prière et du repas surviennent en même temps, prenez d’abord le repas. » (Bukharî, Muslim)

Dans leurs propos, les savants de l’islam ont particulièrement été sensibles à la manière dont le corps et l’esprit se conjuguent pendant l’accomplissement de la prière. Ils ont métaphoriquement fait remarquer que les prières accomplies par les trois catégories de personnes suivantes ne peuvent en aucun cas être acceptées :

1.   Le chasseur

2.   Le porteur

3.   Le commerçant

Le chasseur représente celui qui promène son regard dans tous les sens alors qu’il est en prière. Le porteur représente celui qui doit renouveler ses ablutions, qui le sait et ne le fait pas. Le commerçant représente celui qui est incapable de se détacher des affaires de ce bas monde. Ces trois catégories de personnes, symboliquement parlant, sont incapables de s’imprégner totalement de leur prière, car aucune sérénité ne les habite. Ils l’accomplissent « seulement pour l’accomplir », et cela n’est pas acceptable pour Allah. Tout ce qui constitue les dimensions essentielles de l’être humain : corps, âme, esprit doit nécessairement être bien disposé avant, pendant et après l’accomplissement de la prière ; c’est la condition indispensable pour que la prière soit valable.

Un jour, le Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix), en voyant un homme se gratter la barbe au cours de sa prière, dit à son entourage :

« Si la sérénité était présente dans son cœur, toutes les parties de son corps seraient immobiles. » (Tirmidhî)

Ces paroles du Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) indiquent de façon claire que l’harmonie du corps et de l’esprit doit être absolument indivisible durant l’accomplissement de la prière.

Il a dit également :

« Quand l’un de vous se lève pour la prière, accomplissez-la, gardant immobile toutes les parties de votre corps ! Ne vous balancez pas comme le font les juifs, car l’immobilité est une condition requise pour que la prière soit valide. » (Tirmidhî)

« Sept choses découlent de Satan pendant l’accomplissement de la prière (c’est-à-dire les choses qu’il affectionne particulièrement) : le nez qui saigne, la somnolence, le doute, le bâillement, se gratter, regarder autour de soi et jouer avec un objet. » (Tirmidhî)

Ces choses empiètent réellement sur l’esprit de la prière. Inversement, si l’orant semble en apparence rempli de crainte révérencielle, bien qu’intérieurement il ne le soit pas, ce n’est là qu’une crainte tâchée d’hypocrisie. Le cœur doit absolument être préservé d’une telle condition.

L’épilogue annoncé concernant cette notion de crainte révérencielle n’est autre que cette invocation du prophète Abraham (que la paix soit sur lui) citée dans le Coran :

« Ô mon Seigneur ! Fais que j’accomplisse assidûment la Salât ainsi qu’une partie de ma descendance ; exauce ma prière, ô notre Seigneur ! » (Coran, Ibrahim, 14 : 40)

Pour pouvoir accomplir convenablement la prière, Hatem ibn Hicham suggère les points suivants :

« Tout d’abord, préparez-vous de la meilleure façon. Puis, placez la Ka’ba entre vos sourcils ; le pont Sirat sous vos pieds ; le Paradis à votre droite ; l’Enfer à votre gauche ! Entrez en présence d’Allah, partagé entre la crainte et l’espoir, imaginant Azraîl (l’Ange de la mort) prêt à recueillir votre âme ; imaginez également que vous êtes en train d’accomplir votre dernière prière sur terre ! Commencez à prier consciencieusement, disant « Allah est Grand » ! Récitez lentement le Coran en réfléchissant à sa signification ! Faites en sorte que votre âme se courbe avec révérence et se prosterne humblement. Que votre corps suive toutes les conditions requises à la bonne exécution de la prière ; laissez votre âme demeurer constamment en prosternation ; ne permettez pas la séparation de cette union, ne serait-ce que le temps d’un soupir. »

L’imam Ghazalî mena une fois une discussion au sujet de la station assise durant la prière (tahiyat). Il disait que cette station particulière était une expression d’amour à l’égard du Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix). Il donna à ce propos un exemple d’une importance majeure : durant la prière, il est nécessaire que le cœur soit en paix, comme le démontre l’exemple suivant :

« Au cours de la première et de la dernière station assise, il est requis d’imaginer le Prophète (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) placé entre les yeux du cœur, au moment où l’on dit : Ô Prophète, que la paix et les bénédictions d’Allah soient sur toi ! »

Cette salutation particulière date de l’Ascension du Prophète vers les cieux (Mira’j). On lui avait dit : « Ô Messager ! Que la paix et la miséricorde d’Allah soient sur toi dans ce monde et dans l’Autre ». Ces paroles qu’on lui avait adressées personnellement ont été pour lui une exceptionnelle glorification.

La prière est l’ascension du croyant ; elle pourvoit aux besoins de ceux qui méditent profondément sur sa signification, héritant de ce fait de toutes les grâces divines qui y sont reliées.

Par conséquent, au cours de la prière, chaque être devrait tirer profit des bénédictions envoyées sur le Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix). Chaque prière doit rappeler l’ascension du Prophète vers les cieux ; son ascension restant la mystérieuse transfiguration de l’amour d’Allah à son égard. L’attestation de foi, énoncée juste après les salutations sur le Prophète, montre à bien des égards l’importance de ces salutations qui lui sont destinées. Ainsi, la constitution de la prière est semblable à un volet de fenêtre ouvert à partir de l’islam essentiel. Les amoureux d’Allah s’approchent de Lui par le biais de ce volet, contemplant les transfigurations et les réalités sublimes inhérentes au Mystère Divin. De plus, personne n’a la possibilité d’acquérir une foi parfaite sans réaliser, à côté de la référence attachée au Nom d’Allah, le mystère lié aux bénédictions adressées au Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix), ainsi que l’énonciation de la profession de foi.

En conséquence, Allah le Très-Haut enjoint aux croyants de formuler toutes sortes de bénédictions sur le Prophète (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix), pareil à un éclat de tendresse qui lui serait destiné. Cette expression particulière est mentionnée dans un verset coranique dans lequel Allah et Ses anges adressent des salutations au Prophète (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) :

« Certes, Allah et Ses anges prient sur le Prophète ; Ô vous qui croyez, priez sur lui et adressez (lui) vos salutations. » (Coran, Al-Ahzab, 33 : 56)

En conséquence, tous ceux qui prient et qui adorent le font avec enthousiasme et ne se préoccupent pas des soucis de ce bas monde ; d’ailleurs, ils n’en tiennent même pas compte.

Jalâl-ud-Dîn Rumî (qu’Allah bénisse son secret) disait à ce sujet :

« Ces gens sortent de ce bas monde dès le moment où ils entrent en prière ; ils sont comparables à la condition des animaux de sacrifice avant qu’ils ne soient mis à mort. »

Puis, en interpellant l’orant :

« Tu pries, dressé comme une bougie dans l’alcôve de la mosquée, indiquant la direction de La Mecque. Sois attentif et tâche de saisir la signification de la toute première formulation, celle qui se trouve au début de la prière : Allah est Grand (Allahu Akbar), ce qui signifie substantiellement : Ô Seigneur ! En Ta présence nous nous sacrifions ! Et en plaçant nos mains près de nos oreilles, nous abandonnons toute chose pour nous diriger vers Toi !

Le fait de dire : ‘Allah est Grand’ au début de la prière est équivalent à dire ‘Allah est Grand’ en perpétrant un sacrifice. Dire ‘Allah est Grand’ au début de la prière, c’est avoir abattu toute empreinte de sensualité. »

« A ce moment-là, ton corps ressemble à celui d’Ismaël et ton âme à celle d’Abraham (Que la paix d’Allah soit sur eux). Quand ton âme s’exclame : ‘Allah est Grand’, ton corps s’éloigne des choses sensuelles et passionnelles ; et quand tu dis : ‘Au Nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux’ (Bismillahi Rahmani Rahim), ces choses-là sont sacrifiées. »

« Le Jour du Jugement, les croyants seront placés en rang devant Allah ; ils commenceront à rendre compte de leurs actions et feront appel à Lui. »

« Se tenir dans la prière et pleurer à cette occasion équivaut à se tenir devant Allah au Jour du Jugement Dernier, au moment de sortir du tombeau. Allah te questionnera et te demandera : ‘Comment as-tu employé ton temps ici-bas ?’, ‘ Qu’y as-tu gagné et que M’as-tu rapporté ?’. Sache qu’il y aura beaucoup d’autres questions de ce genre. »

« En station debout (qiyam), le serviteur récite le Coran. Il est couvert de confusion puis s’incline, ne pouvant plus demeurer dans cet état à cause de la honte qu’il ressent, En s’inclinant, il glorifie Allah : ‘ Gloire à mon Seigneur, l’Immense’ (Subhana Rabbi al’Azim). Ensuite, Allah ordonne au serviteur : ‘Lève la tête et réponds aux questions !’ Honteux, le serviteur lève la tête ; ne supportant pas non plus cette condition, il se prosterne face contre sol. Puis il lève de nouveau la tête et se prosterne une nouvelle fois, incapable de soutenir un tel état. Ensuite Allah lui dit : ‘Lève la tête et réponds ; je te questionnerai sur tout ce que tu as accompli durant ta vie terrestre’. La parole qui lui est adressée est si puissante qu’il ne peut la supporter, puis il s’assoit sur ses genoux fléchis. Allah lui dit : ‘Je t’ai accordé de nombreux bienfaits, qu’est-ce que tu en as fait ? Ai-je reçu des remerciements de ta part pour cela ? En outre, Je t’ai offert des biens matériels et spirituels, quels en ont été les bénéfices ?’ Puis le serviteur tourne son visage à droite, salue l’âme du Prophète, ainsi que les anges et formule l’invocation suivante : « De grâce, intercédez auprès d’Allah pour moi, je ne suis qu’un pauvre serviteur (littéralement : qui est dans la boue de la tête aux pieds). »

« Le Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) lui répond alors : ‘Le temps propice au secours et au réconfort est terminé. Les bonnes résolutions devaient être prises dans ce bas monde. Tu n’as accompli aucune bonne action ; tu n’as pas mis en pratique ta foi ; tu as perdu ton temps !’ Ensuite le serviteur tourne son visage à gauche et sollicite l’aide de ses proches. Ces derniers lui répondront : ‘Ne nous demande pas de t’aider. Qui sommes-nous donc ? C’est à toi de répondre à ton Seigneur’ ! »

« Le serviteur n’est secouru ni d’un côté ni de l’autre et il est désemparé. Ayant abandonné tout espoir de recevoir de l’aide, il fait appel à Allah et cherche refuge auprès de Lui. Ouvrant les mains, il implore son Créateur : ‘Ô mon Seigneur ! dit-il, j’ai abandonné tout espoir venant de qui que ce soit. Seigneur ! Tu es le Premier et le Dernier, l’Unique vers lequel tes serviteurs font appel ; le Dernier vers lequel ils se tournent. Je me réfugie en Toi. Je me réfugie au sein de Ta compassion et de Ton infinie miséricorde’. »

Rumî poursuit :

« Considère de façon positive les différents signes de la prière. Sois conscient de ce à quoi tu feras face. Rassemble-les ensemble et tâche de bénéficier physiquement et spirituellement de ta prière. (Lorsque tu te prosternes), ne pose pas la tête comme un oiseau qui picore graine après graine ! Prend garde à cette parole du Prophète : ‘Le plus mauvais des voleurs est celui qui dérobe quelque chose de la prière’. » (Hakim, Mustadrak, I, 353)

« Tout homme qui prie avec humilité et qui sollicite Allah en ayant conscience de Son amour se verra offrir de Sa part ce merveilleux compliment : ‘Je suis à ton service’. »

Le Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) a dit aussi à propos de l’humilité dans la prière :

« Deux personnes sont en train de prier séparément au même endroit et en même temps ; pourtant, il existe une grande différence entre eux, comme la différence qu’il y a entre le ciel et la terre. » (Ihya)

De plus, le Coran fait remarquer que les vrais croyants sont ceux qui accomplissent correctement et avec humilité leur prière : « Et qui sont réguliers dans leur Salât. » (Coran, Al-Ma’arij, 70 : 34)

Il est également stipulé dans la même sourate : « (Ceux) qui sont assidus à leur Salât » (Coran, Al-Ma’arij, 70 : 23)

Les sages ont interprété ce verset comme suit :

« L’intention explicite de ces versets consiste à exprimer ce que signifie l’esprit de la prière. A première vue, cet esprit n’est pas seulement une manifestation extérieure voire mécanique qui demeure figée ; mais c’est cet esprit qui permet au serviteur de s’incliner et de se prosterner. Prier dans un tel esprit : c’est se souvenir d’Allah à chaque instant. »

Jalâl-ud-Dîn Rumî (qu’Allah bénisse son secret) donne également une interprétation métaphorique de ce verset :

« Cet état de prière est maintenu en tout temps par le serviteur. Il demeure humble et bienséant au cours de sa vie, préservant de ce fait son âme et ses paroles. C’est là le chemin emprunté par ceux qui aiment vraiment Allah. »

Rumî poursuit :

« La prière effectuée cinq fois par jour nous éloigne des œuvres mauvaises. Les bien-aimés d’Allah, eux, sont constamment en prière ; le feu qui brûle à l’intérieur de leur cœur ne peut pas les apaiser et ils ne peuvent pas se contenter des cinq prières quotidiennes. »

« La prière de l’amoureux d’Allah est semblable à la condition d’un poisson dans l’eau. A l’instar du poisson qui ne peut vivre en dehors de l’eau, l’âme de l’amoureux ne peut rester en paix sans demeurer en état de prière continue. La vie du poisson est dépendante de l’eau, tandis que la vie de l’amoureux est dépendante de son état de prière continue. Par conséquent, l’expression ‘visite moi peu’ ne concerne pas les amoureux d’Allah puisque leur âme demeure toujours assoiffée. »

« Si l’amoureux est séparé de l’objet de son amour, ne serait-ce qu’un instant, cela lui semblera des milliers d’années. S’il passe des milliers d’années en sa compagnie, cela lui semblera un instant. C’est pourquoi l’amoureux d’Allah demeure constamment en prière et c’est par ce biais qu’il peut rencontrer Allah. S’il manque, ne serait-ce qu’une unité de prière, c’est comme s’il en avait manqué des milliers. »

« Ô homme sage et avisé ! L’union qui s’établit entre toi et Allah au cours de la prière ne peut pas être comprise que par la seule intelligence. Elle ne peut être comprise que par le sacrifice de l’intelligence au profit de la revivification du cœur. C’est ainsi que l’on parvient à la proximité du Très Rapproché. La revivification du cœur est proportionnelle à l’orientation (qibla) qu’emprunte le croyant. »

Rumî développe le sens de cette orientation comme suit :

« La couronne et la ceinture sont l’orientation des rois ; l’or et l’argent sont l’orientation des mondains ; les idoles sont l’orientation des païens ; le cœur et l’âme sont l’orientation des gens d’esprit ; l’alcôve de la mosquée est l’orientation des ascètes ; les tâches inutiles sont l’orientation de l’insouciant ; manger et dormir sont l’orientation du paresseux ; la connaissance et la sagesse sont l’orientation des êtres humains.

L’union éternelle est l’orientation de l’amoureux ; la Face d’Allah est l’orientation du sage ; la richesse et la prospérité sont l’orientation des mondains ; les conditions fournies par les ordres religieux sont l’orientation des derviches ; les désirs mondains sont l’orientation de la passion ; tandis que placer sa confiance en Allah est l’orientation des gens du confinement.

Nous devons prendre conscience que la direction vers laquelle nous nous tournons lorsque nous prions n’est pas la Ka’ba matérielle, mais l’endroit exact où elle est située. Si la Ka’ba était déplacé à un autre endroit, elle ne serait plus l’orientation requise pour l’accomplissement de la prière. »

En conséquence, nous devons orienter notre cœur vers Allah tout en orientant notre corps vers la Ka’ba, car Allah est l’orientation de notre cœur.

D’autre part, disposer d’une intention parfaite est indispensable pour pouvoir accomplir la prière d’une manière humble, étant en accord avec ce que disait le Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) : « Les actes ne valent que par leurs intentions ». Ces paroles nous invitent à réaliser la nature de la présence qui nous accompagne durant notre prière. Cela requiert l’examen des désirs de notre cœur, ainsi que la séparation de toute aspiration contraire à l’approbation d’Allah.

Dès le début de la prière, en proclamant ‘Allah est Grand’ (Allahu Akbar), le serviteur doit donc être en mesure de ressentir la présence d’Allah. Dès qu’il lève les mains au niveau des oreilles pour commencer la prière, toute chose est mise en arrière ; le serviteur ressent alors le plaisir incommensurable que procure la présence d’Allah dans son cœur. En effet, il réalise qu’il a quitté ce monde éphémère au profit du monde futur dès le moment où sa prière a été engagée. Il fixe du regard le point précis où il posera le visage lors de la prosternation ; il sait qu’il est en présence d’Allah, qu’il est un être dénué de puissance, qu’il a besoin de Lui. Ce serviteur prend place parmi les autres serviteurs et Allah lui adresse ce compliment particulier : ‘Quel bon serviteur !’. Il récite également le Noble Coran avec application, tachant d’en comprendre le sens et d’appliquer ses enseignements dans sa propre vie. Le Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) a dit :

« Réciter le Coran, c’est parler avec Allah. » (Abû Nuaim, Hilya, 7,99)

C’est pourquoi l’âme doit demeurer vigilante lors de la récitation du Coran.

Ensuite, en s’inclinant (rukû), le serviteur médite sur la Grandeur d’Allah tout en prononçant ces paroles : ‘Gloire à mon Seigneur, l’Immense’ (Subhana Rabbi Al ’Azim). Puis, en prononçant : ‘Gloire à mon Seigneur, le Très-Haut’ (Subhana Rabbi Al A’la) au cours de la prosternation (sujûd), le serviteur ressent de nouveau la grandeur d’Allah (car c’est pendant la prosternation que le serviteur est le plus proche d’Allah).

S’il prend vraiment conscience de cette réalité, son âme se prosternera en même temps que son corps. En accomplissant cela, il obtiendra le bénéfice associé au verset coranique : « (...) Prosterne-toi et rapproche-toi. » (Coran, Al-‘Alaq, 96 : 19), il se réjouira d’être uni à Allah et tâchera de prendre sa place parmi les amoureux qui désirent ardemment recevoir Son amour.

Ensuite, quand vient la fin de chaque cycle de prière (composé de deux unités), le serviteur, assis bien droit, conserve cette attitude révérencieuse, percevant la mesure de son impuissance et appelant la miséricorde d’Allah sur lui.

Au moment de compléter sa prière, le serviteur tourne la tête à droite puis à gauche, en adressant simultanément ces paroles aux deux anges (chargés d’inscrire ses actions) : « Que la paix et la miséricorde d’Allah soient sur vous » (Assalamu alaykum wa rahmatullah). En conséquence, sa joie est parfaite parce qu’il est uni avec Allah par la prière, partageant également ce sentiment avec les deux anges présents de chaque côté de ses épaules. Lorsque la prière est acceptée par Allah, ces deux anges renvoient les salutations qui leur ont été adressées.

Une telle prière, accomplie avec cet esprit, est largement récompensée dans la vie future comme cela est stipulé dans le Coran :

« Paix sur vous, pour ce que vous avez enduré ! Comme est bonne votre demeure finale ! » (Coran, Ar-Ra’d, 13 : 24)

Des qualités exigeantes telles que l’humilité, la bienséance et l’union avec Allah dans l’accomplissement de la prière ne sont pas hors de portée des hommes. En effet, le plaisir spirituel éprouvé pendant l’accomplissement de la prière ne doit pas être simplement considéré comme un « élément décoratif ». Les prières du Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix), tel qu’il nous les a enseignées, présentent des caractéristiques qui transcendent une pareille appréciation. De surcroît, les prières représentatives de ses compagnons et des bien-aimés d’Allah qui les ont suivis sont pour nous, en quelque sorte, semblables à des conseillers spirituels.

La Prıère Du Prophète Muhammad
(qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix)

On raconte que lorsque le Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) était en prière, les gens qui l’entouraient avaient l’habitude d’entendre comme un son qui sortait de sa poitrine et qui ressemblait à des pleurs. Ali (qu’Allah soit satisfait de lui) avait observé ce phénomène et s’en est souvenu :

« Pendant la bataille de Badr, j’ai vu le Prophète alors qu’il priait sous un arbre. Il priait et il pleurait en même temps. Le plus surprenant, c’est qu’il est resté toute la nuit ainsi » (Fadail al-Amal, 299)

Il était parfois dans un tel état que de sa poitrine sortaient des sonorités semblables à une marmite en ébullition.

Aïcha (qu’Allah soit satisfait d’elle), son épouse, disait à ce propos :

« Nous avions coutume d’entendre des sons qui sortaient de la poitrine du Prophète ; elle laissait entendre le bruit d’une marmite en ébullition. » (Abû Dawud, Salat, 157 ; Nasaî, Sahv, 18)

Aïcha a dit aussi :

« Le Prophète avait coutume de converser avec nous. Mais quand venait l’heure de la prière il était tout autre, comme s’il ne nous avait jamais connus, et il se tournait vers Allah. » (Fadail al-Amal, 299)

C’est pourquoi il est nécessaire de profiter de la bénédiction attachée à ce type de prière afin qu’elle puisse devenir l’objectif principal de nos âmes. Pourtant, force est de constater que cet objectif est loin d’être atteint ; dans tous les cas, il faut toujours s’efforcer d’aller dans ce sens. En d’autres termes, nous devons admettre que la prière du Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) est un exemple idéal pour nous. Plus nous nous approcherons de cet idéal, plus les bénéfices que nous recevrons seront conséquents.

Il faut souligner ici qu’aucune œuvre humaine ne peut être accomplie de manière parfaite sans qu’elle n’ait été préalablement expérimentale. Ainsi en est-il de la prière. D’abord, elle s’apparente à une forme d’imitation ; ensuite, l’orant prend le temps nécessaire pour améliorer sa condition et atteindre la perfection ; à l’instar de l’artiste qui a besoin de temps et d’expérience pour produire une œuvre parfaite. Toutefois, celui qui ne peut pas effectuer parfaitement sa prière ne doit pas perdre espoir : il doit néanmoins continuer et persévérer dans cette voie jusqu’à ce qu’il atteigne enfin la perfection. A l’image d’un homme qui doit tamiser des tonnes de terre pour obtenir un gramme d’or, l’orant doit persévérer dans son effort pour atteindre la perfection et la paix dans la prière.

Eprouver un sentiment particulier au cours de la prière est une réelle nécessité. Le Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix) a décrit ce sentiment comme suit :

« Priez comme si c’était votre dernière prière ! Ne dites rien qui pourrait vous désoler par la suite ; ne penchez pas vers les choses que les insouciants désirent ! » (Ibn Maja, Zuhd, 15)

Les compagnons du Prophète Muhammad (qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix), ainsi que tous ces saints d’Allah qui les suivirent, ont constamment tendu vers cet objectif reconnu par cette parole susmentionnée.


L’enseignement Qui Fait Qu’un Homme Soit Humain: La Responsabilité

Le Tout-Puissant a offert la terre et les cieux au service de l’homme. Il n’a pas laissé l’homme irresponsable et désœuvré face à ces affaires et à lui-même. C’est-à-dire qu’Allah a dirigé avec les lois divines à la fois l’univers et l’homme. Ainsi, il a ordonné d’évoluer dans cette épreuve de sa vie avec un équilibre tranquille de liberté et de responsabilité. Cette réalité est exprimée dans le verset coranique suivant:

Et quant au ciel, Il (Allah) l’a élevé bien haut. Et Il a établit la balance, afin que vous ne transgressiez pas dans la pesée. (Coran, Ar-Rahman, 55/ 7-8)

Cela veut dire que l’homme doit s’unifier avec l’équilibre divin de l’univers. Autant qu’il n’existe pas la moindre irrégularité dans cet univers très vaste, l’homme ne devrait pas dériver de la voie divine qui le rattache à Allah. Les Sages sont des individus capables de vivre toute une existence dans cet équilibre. Ces derniers sont des serviteurs prospérant dans ces deux univers. Par conséquent, ceux qui mènent une vie en compagnie des saveurs temporelles et des amours indécis sont des individus qui ignorent le secret de leur arrivée et de leur départ dans cet univers. Ceux-ci n’ont pu s’unifier avec l’art et la loi divine du Tout-Puissant dans l’univers et n’ont pu comprendre cet équilibre céleste. Malheureusement, leur existence se réalise dans l’ignorance et l’illusion, leur éternité ne sera que souffrance extrême.

L’interprétation de cette question est cachée dans le noumène de l’homme (dans sa réalité intelligible). Il est vrai que l’homme a été créé de manière propice aux œuvres pieuses et au mal dans l’épreuve de son existence sur cette terre. Car l’épreuve nécessite aussi bien la capacité d’être dans le droit chemin que d’être dans l’erreur.

C’est pourquoi l’existence de l’homme se passe dans un combat permanent entre la bienfaisance et le mal dans l’univers interne et externe, car tous deux souhaitent diriger le corps humain. En conséquence, le mal (ou bien une personnalité mal éduquée) a autant de puissance que la bonté détenue en nous. Nos facultés de compréhension, de perception, d’intelligence et de détermination ne sont pas suffisantes pour que la bienfaisance soit vainqueur. Si tout cela suffisait, Allah n’aurait pas désigné Hazrat Adam en qualité de prophète. Il ne lui aurait pas transmis la Révélation divine pour que l’homme puisse atteindre le bonheur dans l’éternité et sur terre. Cependant Allah Ta’ala a toujours orienté le fils de l’homme sur le droit chemin par l’intermédiaire de ses prophètes et de la Révélation divine. Il a envoyé des livres pour renforcer notre intelligence et notre cœur, il a soumis ses serviteurs à l’éducation spirituelle.

Étant donné que l’intelligence est semblable à un couteau à deux lames; il peut faire accomplir des actes de terreur, mais aussi des actions conformes aux obligations religieuses. L’homme peut accéder au “ahsanu taqwim” avec l’aide de son intelligence, c’est-à-dire le niveau le plus haut pouvant être atteint par des serviteurs. Cependant, il lui arrive souvent de descendre au niveau de “bal hum adall” à cause de son intelligence, c’est- à- dire à un niveau plus bas que celui de l’animal du point de vue de la compréhension. Dans ce cas, il est nécessaire de prendre l’intelligence sous la gouverne de la discipline. Cette discipline, c’est l’éducation de la révélation, la voie des prophètes. Si l’intelligence était sous le contrôle du Prophète, alors elle serait en mesure d’amener l’homme vers le salut. Mais si elle est privée de l’ouvrage du Prophète, elle connaîtra une fin douloureuse.

Il existe dans l’Histoire de nombreux oppresseurs qui sont au sommet de l’intelligence. Cependant, malgré les injustices et massacres qu’ils ont infligés, ces derniers n’ont même pas éprouvé le moindre remord de conscience. Car selon eux, les persécutions réalisées sont des actes très intelligents. Par exemple, Hülâgu est entré à Bagdad pour noyer quatre cent mille innocents dans les eaux du Tigreen éprouvant aucun remord.

À la Mecque, avant l’avènement de l’Islam, les pères amenaient leurs petites filles pour les enterrer vivantes, sous les cris silencieux et la souffrance du cœur des mères. Découper un esclave ou une bûche était deux choses identiques pour leur intelligence. Même qu’ils considéraient cela comme une situation normale et un droit licite.

Eux aussi étaient pourvus d’intelligence et de discernement tout comme nous. Par contre, ils étaient comme les dents d’un pignon qui tournent en sens inverse. Ils agissaient en contradiction par rapport aux attentes.

Tout cela démontre que l’être humain est une créature qui a besoin d’être orienté, formé et civilisé d’un point de vue des tendances et des besoins positifs et négatifs qui lui sont transmis. Cependant, cette orientation doit être conforme à la création. Et cela s’appelle l’éducation par la parole divine, cette réalité n’étant possible qu’avec les paroles et le chemin des prophètes. Dans le cas contraire, si l’orientation n’est pas conforme à notre création, cela aura pour conséquence de former le mal et le vice.

La particularité qui dirige le corps humain aura pour conséquence de se retrouver face à son contraire qui voudra l’anéantir. S’il est supérieur, il rendra inefficace le mal. Si au contraire le mal est supérieur, il tentera d’étouffer la bonté. Ainsi le combat interne de l’homme subsistera durant toute son existence.

C’est pour cette raison que les prophètes et les envoyés du Tout-Puissant ont été spécialement délégués pour servir de guides et de chemins pour les humains. Ces humains qui sont formés dans ces mains habiles, prospères et fécondes ont réussi à développer la beauté de leurs corps. Leurs particularités froides comme l’hiver se sont transformées en un jardin de roses. Si bien que les ignorants à moitié sauvages qui enterraient leurs petites filles devinrent les individus les plus importants de l’humanité, grâce au chemin dévoilé par notre cher Prophète.

D’ailleurs, lorsque les humains se conforment aux prescriptions des prophètes, ils deviennent des serviteurs convenables pour Allah et sont ainsi glorifiés. Autrement, ceux qui, à l’épreuve divine, ont perdu face à la tentation et au combat spirituel descendront au niveau le plus bas. Justement la vie sur Terre a été créée pour que l’homme parvienne à déterminer l’objectif de choisir entre ces deux possibilités. L’homme sera donc orienté par sa propre initiative interne, soit vers une tendance positive ou vers une tendance négative. Ce choix sera effectué en fonction du résultat concernant le combat du vice et de l’esprit. Par contre, à l’issue de ce choix, les hommes resteront sous de nombreuses influences. Dans le jardin de roses, les hommes s’envelopperont de sublimes parfums alors que dans les lieux opposés, ils subsisteront au sein des mauvaises odeurs. Le reflet de leur environnement apparaîtra certainement sur eux. C’est pour cette raison que les créatures qui ont le plus besoin d’apprendre le chemin du droit, de l’éducation et de la moralité sont les êtres humains.

L’homme peut sombrer dans la détresse dans cette vie temporelle qu’il a gâchée à cause de cette contradiction acharnée, vécue de manière apparente ou cachée. En réalité, cette contradiction prend source à partir des infamies animales qui éloignent l’homme de sa raison d’être et de la vertu la plus haute qui rapproche d’Allah.

Dans cette considération, les hommes qui n’ont pas pu atteindre l’harmonie dans l’univers du cœur et de l’éducation seront comme des animaux s’abritant dans une forêt. En fonction de leur nature, chacun d’eux détient le caractère caché d’un animal. Certains sont rusés comme les renards, d’autres impitoyables comme les hyènes, d’autres sont ambitieux comme les fourmis, ou encore empoisonnés comme le serpent. Certains vous mordent en vous caressant, certains vous sucent le sang comme les sangsues, d’autres se moquent de vous ouvertement et préparent votre fosse par derrière. Ces comportements sont des caractères appartenant à différents animaux.

Ceux qui n’ont pas pu s’affranchir de l’autorité du vice par une éducation morale ainsi que ceux qui n’ont pas pu développer un caractère fort se retrouvent dans le cercle vicieux du dérèglement. Certains sont dominés par la caractéristique d’un animal, alors que d’autres le sont par plusieurs caractéristiques. De plus, leurs comportements se répercutent sur leurs exemples; percevoir ces caractéristiques n’est pas difficile pour les expérimentés. Par ailleurs, leurs comportements sont comme les miroirs qui n’affichent jamais de calomnies.

Le communisme est un système fondé sur la tête de millions d’individus, n’est-il pas le reflet échevelé d’une construction interne? Les pyramides qui ont servi de tombes à des milliers de personnes enterrées vivantes pour un Pharaon, ne sont-elles pas en réalité des monuments de souffrance? Sur le plan de l’émerveillement mental, celles-ci sont perçues comme des ouvrages historiques par beaucoup d’imprudents. Cependant, lorsqu’elles sont étudiées sur le plan du droit et de la vérité, ne représentent-elles pas un tableau d’atrocité qui pourrait surprendre et même effrayer les hyènes les plus sanguinaires?

Tout ceci montre que les individus dominés par le caractère d’une grenouille transforment leurs espaces en lieux marécageux. Si les hommes sont dominés par l’esprit d’un serpent ou d’un mille-pattes, alors toute une nation sera intoxiquée et ce sera le début de la terreur et de l’anarchie. Par contre, si les personnes sont dominées par un tempérament de rose, alors le pays sera un jardin de roses; les hommes pourront atteindre l’harmonie et le bonheur.

C’est la raison pour laquelle l’éducation liée à la transmission de la Parole divine est nécessaire. Si bien que les personnes qui sont loin de cette éducation, même si elles n’exposent pas un tableau d’atrocité et qu’elles réalisent de bonnes œuvres et comportements, détiennent les caractéristiques pour afficher cette atrocité à tout instant. Car toutes les beautés acquises en dehors de l’éducation divine ne sont que temporaires. En particulier, pendant les moments difficiles et dans le cadre des débordements de vices, les individus dépourvus d’éducation divine laisseront apparaître toutes sortes de tendances malfaisantes et apathiques. Le vice qui n’a pas été formé ressemble à un chat en manque de souris. De même qu’un chat qui mange son repas serait capable de quitter ce délice à la vue d’une souris pour se lancer à sa poursuite, de même l’homme, lorsqu’il n’a pas reçu d’éducation selon les normes divines, même si le cœur obéit aux beautés innombrables, le chat du vice continuera à courir sans cesse derrière une souris qu’il rencontrera et qui finira par le détruire. Lorsqu’on considère la vie du Pharaon et de Nemrod, on s’aperçoit du nombre de massacres qu’ils ont infligés sans raison juste au nom d’un désir équivalent au jugement d’une souris.

Alors que l’éducation divine laisse tomber le massacre des humains sans raison, elle ordonne d’être semblable à une bougie tremblante pour l’un de ses plus petits serviteurs. Même le Prophète s’est abstenu de découper une branche encore verte. Lorsqu’il partit pour conquérir la Mecque, il changea l’itinéraire de son armée afin de ne pas effrayer une chienne qui allaitait ses chiots. Par ailleurs, notre cher Prophète avait été terrifié face à l’incendie d’une fourmilière:il exprima son émotion en disant: “Qui a pu mettre le feu à cette fourmilière?” C’est avec cet esprit que les Ottomans ont été modelés en concevant de nombreuses fondations dues à la clémence qu’ils ont apprise de notre cher Prophète, aux services rendus au niveau le plus haut à l’homme et à la tendresse accordée aux créatures. Ils ont même constitué des fondations qui étudiaient la santé des animaux. C’était la manifestation de cette charité. En effet, les étrangers qui venaient visiter notre pays à cette époque racontaient dans leurs souvenirs de voyage que les chats et chiens se promenaient tranquillement parmi les hommes dans les quartiers musulmans, alors que dans les autres quartiers ils s’enfuyaient à toute vitesse à la vue des hommes. Tout cela témoigne de l’éducation spirituelle enseignée ou non enseignée aux hommes. C’est l’homme qui fait couler le sang, boit le sang et arrose la terre de sang; c’est également lui qui donne du sang à celui qui en éprouve le besoin, tout en lui présentant une rose.

C’est un mystère que les caractéristiques positives et négatives des hommes cohabitent dans cet univers planétaire. Si nous devions l’expliquer par un exemple, cette situation ressemblerait à la souffrance subie par une gazelle enfermée dans une écurie d’animaux grognons et grossiers. Parfois, certaines personnes peuvent cohabiter côte à côte: les avares avec des personnes généreuses, les savants avec les idiots, les oppresseurs avec les personnes charitables. L’avare est sans charité, c’est un peureux, il est loin du service. Par opposition, le généreux est clément, humble et rend service. L’idiot ne peut pas comprendre le savant; les oppresseurs considèrent qu’ils respectent la justice et utilisent toujours la force face à leur entourage. C’est-à-dire que l’esprit des anges et les hyènes cohabitent ensemble durant leur existence sur terre. L’un recherche à connaître la paix, l’autre considère que le bonheur est de vivre parmi les particularités des créatures inférieures; leur existence consistent à manger et est composée de luxure, d’autorité et d’ambition similaire.

En fait, vivre dans un monde qui abrite des caractéristiques contraires est une épreuve très difficile. Mais l’être humain est obligé de la traverser. Car passer cette épreuve sur Terre consiste à atteindre l’union de la divinité, c’est l’objectif principal de l’homme. Ainsi, l’homme doit échapper aux qualités mauvaises pour détenir celles qui sont valorisantes, c’est-à-dire vivre avec son honneur et sa dignité.

L’être humain, qui est céleste par son esprit, a été créé physiquement de terre. En conséquence, quand son esprit retourne vers Allah, son corps se tourne vers le sol. L’homme porte le caractère des autres créatures de par son corps. C’est pourquoi il est obligé de renforcer son esprit et de contrôler ses vices en les soumettant à l’éducation divine et en les purifiant. Dans le cas contraire, il sera vaincu par Iblîs de l’extérieur et par le vice à l’intérieur. Ainsi la force de l’esprit sera affaiblie. Le Coran déclare:

Et par l’âme et Celui qui l’a harmonieusement façonnée; et lui a alors inspiré son immoralité, de même que sa piété! A réussi, certes celui qui la purifie. Et est perdu, certes, celui qui la corrompt. (Coran, Shams, 91/7-10)

Le bien-être et le mal-être intérieur expliqué dans l’ouvrage sacré ont été exprimés de la manière suivante par Mawlânâ Rûmî:

O passager sur le chemin de la vérité! Si tu souhaites connaitre la vérité; Mûsâ et Pharaon ne sont pas morts; aujourd’hui, ils sont vivants en toi, ils se sont cachés sous ton enveloppe, ils continuent leur combat dans ton cœur! C’est pourquoi tu dois rechercher ces deux êtres rivaux en toi!

Mawlânâ rajoute:

Ne pense pas à nourrir ta peau à l’extrême! Car elle est une offrande qui sera donnée à la terre. Toi, examine comment nourrir ton cœur! Celui qui sera élevé aux cieux et honoré.

Ne lui donne pas de choses trop sucrées ou trop grasses. Car celui qui le nourrit plus que ses besoins tombe en fin de compte dans le désir de ses vices et de ses infimités. 

Nourrit l’esprit d’aliments vertueux. Propose-lui des pensées matures, des compréhensions très fines et de la nourriture spirituelle, ainsi il pourra se rendre à sa destination de manière renforcée et puissante. 

Un vice qui n’a pas été enseigné sera par exemple comme les racines altérées d’un arbre. L’altération de ce dernier sera visible sur ses branches, feuilles et fruits. Si le cœur est malade, alors son effet se fera voir sur le corps et les dommages seront apparents. Nous pouvons citer la haine et la jalousie qui sont absolument à traiter. La solution pour guérir de ces éléments négatifs est de suivre le chemin annoncée et ordonnée par Allah.

La construction de la personnalité conforme aux prescriptions d’Allah Ta’âlâ consiste à respecter les deux tendances suivantes: “prendre exemple” et “imiter”.

Les tendances qui consistent à prendreexemple et à imiter

Depuis le moment de sa naissance, l’homme a toujours eu besoin d’un exemple pour tout sujet. Il forme toute son activité et sa croyance à partir de sa langue, de sa religion et de ses mœurs par le biais des exemples qui lui sont exposés et des acquis cumulés par l’intermédiaire de ces dernières. Bien sûr, il y a des petites exceptions, c’est ainsi en général. Par exemple, un enfant ne pourra apprendre que la langue de ses parents. Ensuite, il pourra apprendre une deuxième, puis une troisième et une quatrième langue avec les autres exemples. C’est-à-dire qu’au point de vue de l’éducation et de l’enseignement, et en rajoutant de nombreux éléments innés du chemin de la tendance imitative, cela ne pourra aboutir qu’à l’imitation de choses positives ou négatives. C’est ainsi que l’homme sera influencé par son environnement d’évolution: soit sa mère, son père, son entourage familial et il participera à cette communauté avec une personnalité positive ou négative en fonction de sa capacité d’adaptation.

Par conséquent, l’homme rencontre des difficultés très importantes et très sérieuses dans le modelage de son univers religieux, moral et éthique; l’apprentissage de la langue et des éléments similaires étant par conséquent plus aisés. Car les hommes ont été soumis à cette épreuve divine ainsi qu’aux obstacles tels que le diable et le péché qui ne quittent jamais l’homme; ils éloigneront l’homme de l’imitation de ce type de vertu.

Les hommes qui disposent d’un caractère capable de prendre exemple et d’imiter seront charmés par les personnes qui ont accepté en qualité de guide les tendances – positives et négatives- en tentant de suivre leurs traces. Naturellement, tant que l’univers religieux, éthique et moral des hommes n’a pas été modelé par les prophètes et leurs amis loyaux, ils ne pourront pas s’affranchir de l’ignorance, de la perversion et de la rébellion. Ainsi, leur bonheur éternel se transformera en chagrin.

La débauche des individus qui, pour avoir voulu suivre le modèle de certaines célébrités et la situation de ceux qui ont mis en danger le bonheur éternel, est la représentation de la faillite de la civilisation et de la dissipation de l’homme. Cette situation atroce n’est autre que le remplissage et la détérioration de cœurs laissés vides par l’imitation des personnes incorrectes.

Mawlânâ Rûmî -quddisa sirruh (le vénérable) – exprime dans un contexte concret la manière invraisemblable et étrange de l’illusion de l’homme par les tromperies du péché:

On n’est pas surpris que l’agneau fuit le loup. Car le prédateur et l’ennemi de l’agneau, c’est bien le loup. Cependant, ce qui est étonnant, c’est que l’agneau abandonne son cœur au loup. 

Il y a beaucoup de poissons qui se font prendre par les pécheurs à cause de la faim, alors qu’ils sont en confiance dans l’eau.

C’est pourquoi l’humanité doit se construire pour lutter contre les pièges du péché; pour cela elle a besoin d’un guide à l’esprit délicat, au cœur gracieux et tendre.

Les caractères exemplaires des prophètes

En aimant une personne, le fait même d’éprouver de l’attachement envers le caractère de cette personne et sa personnalité est une tendance innée; c’est pourquoi il est très important pour l’homme de découvrir des exemples parfaits afin de les suivre. C’est pour cette raison que Cenâb-ı Hak (Allah), dont la bonté et la générosité sont infinies, n’a pas uniquement envoyé des livres, mais Il a également adressé l’expression vivante de ces ouvrages par l’intermédiaire des prophètes qui détiennent des milliers de qualités supérieures.

Ils sont exemplaires au point d’avoir eu des comportements parfaits au sens religieux, scientifique et moral du terme. C’est pourquoi chacun de ces prophètes a servi l’humanité de manière exceptionnelle, de part son comportement exemplaire dans l’histoire de l’homme.

Les Rapprochés, c’est-à-dire les successeurs du Prophète et les amis d’Allah:

- En mêlant correctement l’évidence et le mystère de la religion, ils ont pu forger leurs personnalités.

- Ils ont pu atteindre le comportement parfait en traversant, à partir du cœur, des étapes sur le chemin de l’ascétisme et de la piété.

- En élargissant la compréhension et la perception de l’horizon de ces deux mondes, ils ont pu atteindre la saveur de la foi et la profondeur des sens.

- Ce sont des musulmans parfaits, croyants et sages. Ils ont permis, grâce à tous leurs efforts, de délivrer les êtres humains des mauvais comportements et de l’ombre du péché dans le but de leur faire atteindre les bonnes mœurs, c’est-à-dire la maturité morale.

Ils sont les cimes de la propagation du comportement parfait sur le chemin des prophètes. En conséquence, ce sont des personnages exemplaires que doivent suivre les personnes qui n’ont pas eu l’honneur de voir les prophètes. La revivification de leurs cœurs par le langage de la bénédiction concernant le conseil et la voie de la vérité est en réalité de même nature que l’humilité des esprits qui provient de sa plus haute source.

Partout dans le monde, lorsque l’application d’une justice se remarque parmi les hommes, lorsqu’une bénédiction et une tendresse accrochent ensemble le cœur des êtres humains, ou bien lorsque les riches d’une communauté viennent en aide aux pauvres avec beaucoup de charité, lorsque les forts protègent les faibles, les personnes en bonne santé tiennent la main des misérables, lorsque les propriétaires de biens alimentent les veuves, alors sachez que toutes ces vertus ont été transférées par les prophètes et par ceux qui avancent sur leurs pas.

La famille humaine commença avec Adam et Hawwâ (Eve) –que la paix d’Allah soit sur eux- pour vivre dans une sérénité religieuse et un climat de bonheur. De nos jours, la Maison d’Allah (Ka’ba) située à La Mecque a été édifiée grâce à eux et leurs descendants se répandirent sur toute la surface de la terre en raison de nécessités vitales et sociales; par moment, ils montrèrent la voie de la vérité en compagnie des prophètes tout en continuant une existence pieuse. Les vérités émises par la Révélation divine furent falsifiées par un certain nombre d’ignorants et de falsificateurs de religion, et pour empêcher cette destruction, Allah envoya des prophètes pour revivifier la religion. Ainsi, l’univers de l’homme fut en permanence délivré des crises individuelles et collectives par l’intermédiaire d’œuvres bienveillantes durant toute l’Histoire.

Enfin, “le bonheur contemporain” qui ressemble à l’après-midi d’une journée terrestre est venu, et le lieu de l’exorde de la religion connaît un dernier sommet de maturité avec notre cher Prophète Muhammad Mustafâ. Désormais, il n’est désormais plus possible qu’une nouvelle perfection fasse son apparition car Muhammad en symbolise le sommet. La religion fut revivifiée par l’envoi des prophètes et celle consentie par Allah est devenue l’Islam.

Dans ce cas, nous pouvons affirmer que notre cher Messager d’Allah est l’exemple le plus parfait de l’imitation innée de l’homme concernant son orientation et son apprentissage. L’imitation de notre cher Prophète dépend de notre intérêt envers son caractère, sa personnalité et surtout de notre amour pour lui au fond de notre cœur.


Résoudre Le Mystère De La Mort

Muhammad ibn Kab al-Qurazi raconte :

« J’ai rencontré une fois ‘Omar ibn Abdulaziz à Médine. À l’époque, c’était un jeune homme assez beau et riche. Des années plus tard, devenu calife, le désir me prit d’aller lui rendre visite. Après avoir obtenu la permission de me rendre auprès de lui, je fis donc chemin. En le voyant, cependant, je fus abasourdi et ne pus m’empêcher de le dévisager, ébahi.

- Pourquoi me regardes-tu comme ça Muhammad ? demanda-t-il.

- Comme vous êtes pâle, votre corps semble usé, vous avez perdu la plupart de vos cheveux et ce qu’il en reste est devenu gris, répondis-je. En vous voyant dans cet état, ô Calife, je ne pouvais guère cacher ma surprise. 

- Qui sait alors à quel point aurait été ta surprise, Muhammad, si tu m’avais vu trois jours après que je fus placé dans ma tombe, me répondit-il. Les fourmis avaient délogé mes yeux de leurs orbites et se répandaient peu à peu sur mes joues ; et ma bouche et mon nez étaient remplis de pus. Là vraiment tu ne m’aurais pas reconnu et là tu aurais exprimé une surprise encore plus grande à mon encontre, encore plus grande que tu ne peux l’imaginer ! » (Hakim, IV, 300/7706)

Avant tout, chaque personne doit envisager sa fin : quelle sera sa situation au moment de rendre le dernier soupir ? Que rencontrera-t-elle dans la tombe et quelle sera sa position dans l’au-delà ? Ce sont là les plus grands mystères qui font face aux êtres humains ; saisir le secret du voyage depuis le berceau jusqu’au cercueil et la sagesse qui sous-tend l’existence dans ce monde et le passage ultérieur dans le monde futur. Chacun d’entre nous doit faire tous les efforts dans la vie pour résoudre cette énigme et atteindre la béatitude éternelle.

Il faut tout d’abord méditer sur la question de la mort, car c’est un fait incontestable que :

« Tout ce qui est sur elle [la terre] doit disparaître. » (ar-Rahman, 55 : 26)

Il viendra un jour sans lendemain ; un jour inconnu de nous tous. Allah, gloire à Lui, dit :

« L’agonie de la mort fait apparaître la vérité : ‹Voilà ce dont tu t’écartais›. Et l’on soufflera dans la Trompe : Voilà le jour de la Menace. » (Qaf, 50 : 19-20)

Tout le monde entre dans cette vie par une porte, l’utérus de la mère, et vit cette vie, un steeple-chase exécuté dans un tourbillon de sentiments spirituels ou égoïstes. Après avoir traversé cet étroit corridor, à travers la porte de la tombe, tout individu entre finalement dans la vie éternelle.

Le monde, semblable à une maison à deux portes, a été depuis Adam rempli et vidé d’innombrables êtres humains. Où sont-ils maintenant ? Où serons-nous dans peu de temps ? Chose inconnue… Mais une chose est certaine, c’est que la mort frappe à la porte des oppresseurs et des opprimés, des pécheurs et des saints, et maintenant tous attendent le début de la vie éternelle, le Jour du Jugement.

Il suffit de penser que le sol que nous foulons soit rempli de milliards de personnes qui ont vécu jusqu’à aujourd’hui et qui sont décédées ; leurs corps complètement devenus poussière, comme des milliards d’ombres empilées les unes sur les autres… Demain nous serons tenus aussi de glisser dans cette ombre dense. De là, une vie éternelle commencera ; un voyage vers l’interminable. Ainsi donc, accordons-nous un certain temps à chaque arrêt et réfléchissons : Quelle personne saine d’esprit voudrait échanger un instant contre l’éternité ?

Dans le Coran, le Tout-Puissant déclare :

« Le jour où ils la verront, il leur semblera n’avoir demeuré qu’un soir ou un matin. » (an-Naziat, 79 : 46), nous informant simplement de la brièveté de cette vie lorsqu’on la compare à la vie éternelle.

Faisant écho à cette vérité, le couplet suivant abrège l’essence de la vie mondaine :

Délicate est la vie, rapide, comme un clin d’œil,

Un oiseau prenant son envol, nous ne l’avons pas entendu, mais il s’en est allé…

                                                                                                              (Âşık Paşa)

Pourrait-il y avoir quelque chose de plus incroyablement stupide que de ruiner son temps en voulant dévaster les trésors de cette vie terrestre comme si elle devait demeurer à tout jamais ?

Méditer sur la mort

Le Prophète (pbsl) incitait souvent au souvenir fréquent de la mort et à ne pas se perdre dans les affaires de ce bas-monde. Il disait : « Une cause d’émerveillement, c’est celui qui fait tout son possible pour obtenir quelque chose de la vie mensongère de ce monde, en dépit de la croyance en la vie éternelle. » (Qudai, Shihab’ul-Akhbar, n. 383)

La pensée de l’époque imminente d’une séparation complète du monde, après que chacun fera face à ce qu’il ou elle a fait dans la vie en bien et en mal et recevra sa ou ses récompenses ou châtiments en totalité, incite à prendre ses distances avec la tentation et le péché et à se rapprocher des bonnes œuvres. Méditer sur la mort, en d’autres termes, c’est le moyen d’acquérir une conscience plus élevée et de redresser sa vie en l’améliorant en vue de l’éternité. Le Prophète (pbsl) a dit :

« Rappelez-vous la mort souvent ; car le souvenir de la mort purifie les péchés et rend indifférent au monde. Si vous pensez à la mort dans l’aisance, elle vous protègera des désastres de la richesse. Si vous pensez à elle dans la pauvreté, elle vous permettra d’être satisfait de votre vie. » (Suyutî, Jami’us-Saghir, I, 47)

Encourageant de nouveau le souvenir de la mort, le Prophète (pbsl) a déclaré :

« Je vous avais jusqu’à présent interdit la visite des tombes. Mais maintenant visitez-les, car les tombes vous rappelleront l’au-delà. » (Tirmidhî, Janaiz, 60; Muslim, Janaiz, 106)

« Rappelez-vous la mort et la décomposition des corps et des os après la mort. Celui qui désire l’au-delà abandonne l’éblouissement du monde. » (Tirmidhî, Qiyamah, 24)

« Allah aime celui qui se rappelle souvent de la mort. » (Haythami, X, 325)

Qui est le croyant le plus intelligent ? demanda une fois un Compagnon au Prophète (pbsl) qui répondit :

« Celui qui se souvient fréquemment de la mort et qui la prépare de la meilleure manière possible… C’est celui qui est vraiment intelligent. » (Ibn Majah, Zuhd, 31)

Comment les Compagnons méditaient-ils sur la mort ?

Abû Bakr (qu’Allah soit satisfait de lui) a déclaré ceci lors d’un sermon :

« Où sont les sincères, les remarquables, qui étaient autrefois admirés par tout le monde ? Où sont les jeunes et galants hommes autosuffisants ? Où sont ces rois qui entouraient les villes grandioses qu’ils avaient bâties avec de hauts murs ? Où sont les héros invincibles des champs de bataille ? Le temps les a rongés et les a aplanis avec la terre. Ils ont tous été ensevelis dans l’obscurité de leurs tombes. Hâtez-vous de reprendre tous vos sens avant qu’il ne soit trop tard et commencez à préparer votre au-delà après la mort ! Sauvez-vous ! Sauvez-vous ! » (Ibn’ul-Jawzi, Zamm’ul-Hawa, p. 668; Nadrat’un-Naim, III, 960)

Aicha (qu’Allah soit satisfait d’elle) donne l’explication suivante :

« Alors qu’une fois je pensais à l’Enfer et commençais à pleurer, en me voyant en larmes, le Messager d’Allah (pbsl) demanda : « Quel est le problème, Aicha ? »

« Je me suis rappelée l’Enfer, alors j’ai pleuré », répondis-je. Vous les prophètes, vous souviendrez-vous des membres de votre famille le Jour du Jugement ? » lui ai-je alors demandé.

« Il y aura trois endroits où personne ne se rappellera de qui que ce soit. Avant de découvrir si la balance des actions (mizan) sera lourde ou légère ; avant de savoir de quelle direction viendra le livre des actions, de la gauche, de la droite ou de derrière, jusqu’au moment où l’on dira : « Tenez ! Lisez mon livre. » (Coran, al-Haqq, 69 : 19) ; et quand le pont Sirat sera mis en place, suspendu au-dessus des flammes infernales. Des deux côtés du pont, il y aura de nombreux crochets et des épines très dures. Avec leur aide, Allah saisira qui Il veut parmi la création et le jettera dans les flammes infernales. (En conséquence) nul ne peut penser à qui que ce soit tant qu’il ne découvre pas s’il sera épargné ou non par ces crochets. » (Hakim, IV, 622/8722)

Usayd ibn Khudayr (qu’Allah soit satisfait de lui), l’un des Compagnons parmi les plus vertueux, avait coutume de répéter :

« Si j’avais pu toujours supporter l’état d’esprit qui s’est emparé de moi dans l’un ou l’autre de ces trois moments, nul doute que je serais devenu l’un de ceux du Paradis : en lisant le Coran ou en écoutant quelqu’un le réciter, en écoutant les discours (sohbets) du Prophète (pbsl) et en participant à des funérailles. Oui en effet… lorsque j’assiste à des funérailles, je me pose toujours la question suivante : « Que deviendra mon corps après ma mort et où sera-t-il envoyé ? » (Hakim, III, 326/5260)

Les avantages liés à la méditation sur la mort

Comme indiqué dans le hadith « la mort est un conseil suffisant », il y a dans le phénomène de la mort beaucoup de leçons à tirer pour l’esprit pensant.

L’amour excessif pour les plaisirs du monde et le désir de gloire et de fortune sont des symptômes de maladie spirituelle. L’envie, la vanité, l’hypocrisie et la luxure ne sont rien d’autre que des produits de l’amour du monde. Un des remèdes les plus déterminants pour se protéger de telles habitudes malveillantes et des carences spirituelles réside dans la méditation sur la mort, la tombe et les évènements de la vie d’outre-tombe.

Vaincre l’ego, devenir libre de sa domination et ainsi purger le cœur de l’amour du monde est l’objectif principal du soufisme (tasawwuf).

La méditation sur la mort a donc été une méthode mise en œuvre dans de nombreuses confréries soufies (tariqah) où le disciple consacre cinq à dix minutes à réfléchir sur la mort durant son devoir spirituel quotidien (wird).

La tendance ottomane à établir des cimetières dans les centres-villes, tout au long des routes et dans les cours des mosquées était pour tous une occasion de se souvenir de la mort et de méditer sur elle. Constatant cela, un voyageur occidental ne put s’empêcher de s’exclamer : « Les Turcs vivent avec leurs morts. »

Se préparer pour l’au-delà en se rappelant fréquemment de la mort et écarter les désirs de l’ego aideront chacun à éviter les remords douloureux qui peuvent survenir au moment de rendre le dernier soupir. Le Tout-Puissant informe que celui qui durant les affres de la mort revient subitement à ses sens comme s’il se réveillait d’un rêve n’aura aucune excuse et subira de profonds remords :

« (…) Seigneur ! Si seulement Tu m’accordais un court délai : je ferais l’aumône et serais parmi les gens de bien. » (al-Munafiqun, 63 : 10)

Afin d’éviter de passer par cette épreuve tragique, nous avons donc besoin d’ouvrir les yeux pendant qu’il est encore temps et commencer à se préparer pour la vie imminente de l’éternité avant que l’occasion ne soit perdue à jamais.

Hasan al-Basri (qu’Allah lui fasse miséricorde) assista un jour à des funérailles. Suivant le cortège, il demanda à l’homme qui était à côté de lui :

« Pensez-vous que cette personne serait dès maintenant désireuse de retourner dans le monde pour augmenter ses bonnes actions, ses prières et son repentir concernant ses péchés ? »

« Bien sûr que oui », répondit assurément l’homme.

« Alors, dit Hasan al-Basri, qu’est-ce qui nous empêcherait de penser comme lui ? » (Ibn’ul-Jawzi, al-Hasan’ul-Basri)

Se préparer pour le grand frisson de la mort

Hasan al-Basri (qu’Allah lui fasse miséricorde) a dit :

« Il y a deux nuits et deux journées que nul n’a jamais vu ni entendu. La première de ces nuits est celle que vous passez dans la tombe avec les morts. Vous n’étiez encore jamais restés avec eux. La seconde de ces nuits est celle où le matin rompt avec l’au-delà. Un jour sans la nuit va alors commencer. La première de ces journées est celle où un émissaire d’Allah vient et vous dit s’Il est satisfait de vous ou pas, si vous êtes destinés au Paradis ou à l’Enfer. La deuxième journée, c’est quand vous recevrez votre livre des actions (que vous aurez commises), de la droite ou de la gauche, et que vous le prendrez en présence d’Allah. » (Voir Ibn’ul-Jawzi, az-Zahr’ul-Fatih, p. 25; Abu’l-Faraj Abdurrahman, Ahwal’ul-Qubur, p. 154)

La mort est, pour l’homme, la plus grande des tribulations, le procès le plus terrible ; mais encore pire que la mort elle-même, c’est de vivre oublieux de la mort, de la mettre complètement hors d’esprit et de ne pas offrir d’actes appropriés en vue de sa préparation. Est intelligent celui se prépare à la mort avant qu’elle ne vienne frapper et nettoyer son âme de l’immoralité.

Sheikh Sadi a dit :

« Tu vas finir, à la fin, par devenir de la terre, frère, de sorte qu’avant que cela n’arrive, cherche à devenir humble comme elle. »

‘Omar (qu’Allah l’agrée) a dit :

« Rendez (maintenant) des comptes sur vous-mêmes avant que vous ne rendiez des comptes (dans l’au-delà). Ornez-vous de bonnes œuvres devant le plus grand tribunal ! A celui qui rendra des comptes sur lui-même pendant sa vie, le tribunal de l’au-delà le mettra sûrement à l’aise. » (Tirmidhî, Qiyamah, 25/2459)

Puisque nos corps seront placés dans la tombe, nos enfants et nos biens resteront en arrière. Seules nos actions nous accompagneront quand nous serons enterrés dans les profondeurs de la terre. Là, nos corps retourneront à la terre, avec nos linceuls, ne laissant rien derrière hormis nos bonnes actions.

L’Imam Ghazalî (qu’Allah ait pitié de son âme) a dit :

Seules trois choses demeurent avec une personne au moment de la mort :

La pureté du cœur, qui est un cœur purifié de la saleté du monde. Allah dit :

قَدْ اَفْلَحَ مَنْ زَكّٰيهَا

« A réussi, certes celui qui la purifie. »(ash-Shams, 91 : 9)

La familiarité avec le souvenir d’Allah, gloire à Lui, qui dit :

اَلَا بِذِكْرِ اللّٰهِ تَطْمَئِنُّ الْقُلُوبُ

« N’est-ce point par l’évocation d’Allah que se tranquillisent les cœurs ? » (ar-Rad, 13 : 28)

L’amour d’Allah, gloire à Lui. Encore une fois Il déclare :

قُلْ إِن كُنْتُمْ تُحِبُّونَ اللّٰهَ فَاتَّبِعُونِي يُحْبِبْكُمُ اللّٰهُ وَيَغْفِرْ لَكُمْ ذُنُوبَكُمْ وَاللّٰهُ غَفُورٌ رَحِيمٌ

Dis : « Si vous aimez vraiment Allah, suivez-moi, Allah vous aimera alors et vous pardonnera vos péchés. Allah est Pardonneur et Miséricordieux. » (al-Imran, 3 : 31)

La purification du cœur n’est possible qu’à travers la marifah, la connaissance d’Allah dans le cœur. La marifah, en retour, est acquise en étant constamment occupés dans le dhikr et la contemplation. Ces trois qualités font donc office de sauveurs. (Ruh’ul-Bayan, XI, 274)

Si une personne est capable de se préparer adéquatement pour « demain », la mort commencera à prendre une belle forme ; et elle n’aura bientôt plus peur d’elle.

Bishr ibn Haritha (qu’Allah lui fasse miséricorde) en fait l’affirme ainsi : « Quelle merveilleuse station est la tombe pour quiconque obéit à Allah. »

Des paroles de sagesse similaires ont été émises par Mawlana Rumî (qu’Allah lui fasse miséricorde) :

« La couleur de la mort, fils, est dans l’œil de l’observateur. À ceux qui détestent la mort sans dédier une pensée que c’est la mort qui unit chacun avec le Seigneur et qui y sont hostiles, la mort apparaît comme un ennemi terrifiant. Pour les amis de la mort, la mort vient comme un ami. »

Ô âme qui fuit l’effroi de la mort ! Si tu veux entendre la vérité sur la question, tu n’as pas vraiment peur de la mort ; mais tu n’as peur que de toi-même.

Car ce n’est pas le visage de la mort que tu vois dans le miroir de l’horreur ; c’est ton propre visage laid. Ton esprit est comme un arbre. La mort est une feuille sur cet arbre. Et chaque feuille appartient à l’espèce de l’arbre dont il provient… »

 En bref, notre mort et les expériences de la tombe se poursuivront jusqu’à la Résurrection et prendront forme en fonction de la façon dont nous aurons vécu et des œuvres que nous aurons accomplies. C’est pour cette raison qu’Allah nous explique à de nombreuses reprises dans le Coran l’essentiel qui concerne la vie dans ce monde et celle liée à l’éternité. Nous encourageant à considérer comment ce monde s’achèvera en temps voulu, Allah nous exhorte également à rester à l’écart de son éclat et de sa tromperie. Il veut que nous nous tournions consciemment en direction de la vie éternelle, une vie qui ne cessera jamais.

Il est donc nécessaire pour tout humain de se repentir sincèrement de tous ses péchés avant que la mort ne survienne et de faire amende honorable pour ses manquements en se conformant aux commandements et aux interdits du Tout-Puissant. Encore une fois, des droits doivent être rétablis pour tous ceux qui ont désobéi ; c’est-à-dire, avant le dernier soupir, obtenir le pardon de ceux qu’il aurait agressé physiquement ou verbalement, ou bien calomnié, diffamé ou assailli avec une intention malveillante, mais aussi s’être débarrassé de ses dettes personnelles, quelles soient physiques ou spirituelles.

Un individu ignorant peut se réjouir d’avoir enfreint les droits d’autrui et peut même interpréter sa corruption comme étant une joie. Mais il est tout bonnement impossible d’exprimer la profondeur de ses remords le jour où la balance de la justice sera posée et qu’il se verra dire : « Tu es un homme en ruine, impuissant, faible et défavorisé. Ici, tu ne peux plus rétablir de droits ou demander le pardon de qui que ce soit. »

Comme sa mort approchait, Abdulmalik ibn Marwan, le calife omeyyade, vit un blanchisseur de la banlieue de Damas envelopper des vêtements autour de sa main et les racler contre un rocher à laver. Poussant un soupir agonisant après que soudainement il se souvînt du terrifiant tribunal de l’au-delà, le calife se mit à se lamenter :

« Ah si moi aussi j’avais pu devenir qu’un blanchisseur ! Si seulement j’avais pu de mes mains gagner ma subsistance quotidienne et prononcer nulle parole concernant les affaires mondaines ! » (Ghazalî, Ihya, VI, 114)

Se préparer à affronter le grand frisson de la mort implique également et essentiellement de ne pas perdre espoir en la miséricorde d’Allah, gloire à Lui.

Uqba al-Bazzar raconte :

« Regardant une procession funéraire, un bédouin assis à côté de moi se mit à considérer le cercueil et fit le commentaire suivant :

« Félicitations… Tu as toute la joie dans le monde ! »

« Pourquoi le félicites-tu ? Demandai-je.

« Comment puis-je ne pas féliciter quelqu’un qui a été pris en charge par un Dépositaire éternellement Généreux dont le traitement envers Ses invités est admirable et infinie miséricorde ! Répondit-il.